L’homme d’affaires Sylvan Adams est « un ambassadeur autoproclamé d’Israël » et travaille à son grand dessein. Copropriétaire de l’équipe Israël-Premier Tech, qui boucle le Tour de France avec deux victoires d’étape, il organise aussi le Trophée des champions à Tel-Aviv (PSG-Nantes le 31 juillet).
Le copropriétaire de l’équipe Israël-Premier Tech a passé le plus gros du Tour de France en cuissard et maillot au milieu de ses coureurs.
L’homme d’affaires né au Canada, où il a fait fortune dans l’immobilier, sort du cadre. Champion cycliste dans sa catégorie d’âge, ce philanthrope de 63 ans, sioniste, rêve d’attirer la Grande Boucle en Israël, son pays d’adoption, comme il l’a réussi en 2018 avec le Giro. Avant cela, place au football avec la deuxième édition du Trophée des champions à Tel-Aviv, qui opposera le PSG à Nantes dimanche prochain.
Simon Clarke et Hugo Houle ont signé les premières victoires d’étape de votre histoire. Dignement célébrées ?
Au champagne – les coureurs n’ont bu qu’une demi-coupe. Ils ont apporté un immense prestige à Israël. Une partie de la vocation de mes coureurs, c’est d’être ambassadeurs de notre pays. Ce que je préfère, c’est rouler avec les gars. J’ai passé plusieurs jours avec eux, du départ jusqu’au deuxième jour de repos. À chaque fois, nous avons fait des kilomètres ensemble.
Être un cycliste de haut niveau vous a-t-il aidé à recruter une pointure comme Christopher Froome ?
Je pense. Quand je roule avec eux, je me défends. Je suis un investisseur mais aussi un cycliste compétent. J’ai des titres de champion du Canada, panaméricain, deux médailles d’or aux Championnats du monde sur piste…
Je n’aime pas beaucoup l’entraînement mais, au Canada, j’ai toujours fait deux courses par semaine, au minimum, depuis mes 41 ans. Pour être un bon cycliste, il faut beaucoup rouler. Je fais encore 8 000 kilomètres par an.
En quoi votre démarche est-elle différente du « sportwashing » pratiqué par des États autoritaires ?
Je suis un ambassadeur autoproclamé d’Israël. J’ai des cartes de visite avec ce titre. Pour moi, ce pays est très peu connu, parfois mal. Le portrait médiatique veut nous présenter comme une zone de guerre. J’ai reçu chez moi une délégation parlementaire canadienne.
Nous sommes allés à la plage, nous avons visité un pays excitant, libre et diversifié. Plus important : sécuritaire. Pas du tout ce que je lis. Par le biais du sport, le Tour de France ou le Trophée des champions, nous donnons une image plus réaliste. On espère attirer des visiteurs qui se feront leur propre idée. Le Grand départ du Giro en 2018 a donné de très bons résultats. C’est un travail diplomatique.
Vous contestez qu’Israël oppresse les Palestiniens ?
Je rejette cette idée : 20 % de notre population est arabe, tous ont les droits de citoyenneté, certains sont médecins, soldats, parlementaires… Je veux montrer un portrait plus juste de mon pays. Les amateurs de sport n’ont pas de préjugés. Au bord des routes françaises, tout ce que j’ai entendu, c’est : « Israël, allez, allez ! » Mon expérience me fait dire que nous avons plus d’amis que d’opposants. Simplement, ces derniers sont très bruyants. Nous sommes prêts à vivre en paix avec nos voisins.
Y a-t-il des Arabes israéliens dans l’équipe ?
L’année dernière, nous avions un coureur druze dans celle des moins de 23 ans. On a des écoles pour faire connaître le vélo aux jeunes des communautés arabes. Rien ne me rendra plus fier que d’avoir un coureur israélo-arabe, ou même palestinien.
Le 31 juillet, le PSG affrontera Nantes à Tel-Aviv à l’occasion du Trophée des champions. Cela poursuit la même idée de promotion d’Israël ?
Tout à fait. À lui seul, Lionel Messi a 230 millions de followers sur les réseaux sociaux. C’est une audience immense à conquérir. On attend 400 millions de téléspectateurs, autant de visiteurs potentiels.
Irez-vous encore plus loin ?
Oui. En 2026, la Coupe du monde sera partagée entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Sur ce modèle, Israël pourrait l’organiser avec ses voisins. Avec Gianni Infantino [le président de la Fifa ], on s’est déjà rencontré quelques fois. Peut-être qu’on en discutera au Qatar ; j’y suis invité pour la Coupe du monde grâce à mes activités sportives. L’entente entre nos pays est meilleure que vous pourriez le penser.
Vous êtes d’ailleurs favorable à l’intégration d’Israël, qui dispute aujourd’hui les éliminatoires en Europe, dans la zone Moyen-Orient ?
Il faut l’envisager. En Europe, nous n’avons aucune chance de qualification. Or, notre région s’ouvre à nous. Grâce aux accords d’Abraham signés en 2020, nous avons des relations avec Bahreïn et les Émirats arabes unis, en plus de l’Égypte et de la Jordanie. Nous parlons presque ouvertement avec les Saoudiens. Leur ministère des Sports m’a d’ailleurs fait savoir que mon équipe serait bienvenue au Tour d’Arabie saoudite en 2023. Au Tour des Émirats, des jeunes faisaient la queue pour recevoir un bidon souvenir avec le nom d’Israël marqué dessus.
Il reste des obstacles, avec l’Iran notamment.
La population iranienne n’est pas contre Israël. Si ce n’était leur gouvernement fanatique, nous aurions des relations, comme au temps du Shah. Si un Iranien refusait d’affronter l’un des nôtres aux Jeux olympiques, je mettrais toute la délégation à la porte. Le sport ne doit pas être politisé. On me demande souvent si je fais de la politique, la réponse est non. J’utilise le sport à des fins diplomatiques, c’est différent. Dans les années 1970, les États-Unis ont procédé à un échange de pongistes avec la Chine pour briser la glace. C’est un outil très puissant. Je suis fier de ma petite contribution au processus de paix et d’amitié.
L’objectif ultime, c’est d’amener le Tour de France en Israël ?
Je connais très bien la direction de l’épreuve et ses propriétaires, la famille Amaury. La demande a été faite. Jusque-là, je n’ai pas eu de succès mais je suis persévérant. Je veux le départ en Israël.