Yaïr Lapid, qui a déjà été le ministre des Affaires étrangères du gouvernement Bennett durant un an, est rompu à l’exercice des embrassades diplomatiques.

Celles qu’il a échangées avec le président de la République étaient à la hauteur de ses attentes pour son nouveau pressbook de Premier ministre. Emmanuel Macron l’a accueilli sur le perron de l’Elysée avec la chaleur et le décorum dont il avait besoin.

Mais le nouveau chef du gouvernement israélien n’était pas censé représenter Israël et c’est pour son prédécesseur Naftali Bennett, que la visite avait été organisée. Il n’a pourtant pas eu trop de mal à endosser ses nouveaux habits de chef de gouvernement israélien, d’autant que le chef de l’Etat a su se montrer chaleureux et encourageant pour son « ami Yaïr ». Au-delà des manifestations d’amitié, le Premier ministre israélien avait aussi besoin d’être reconnu et légitimé dans ses nouvelles fonctions. La presse israélienne était d’ailleurs au rendez-vous et a couvert en direct le point de presse des deux dirigeants.

Yaïr Lapid a évoqué tous les dossiers qui lui tenaient à cœur et souligné le rôle que la France avait à jouer en tant que partie prenante aux négociations sur le programme nucléaire iranien. Il n’a pas oublié non plus de parler de la situation sur la frontière libanaise et des violations du Hezbollah, escomptant là encore que la France saurait user de son influence auprès du Liban pour enrayer l’escalade. Mais l’important est évidemment ce qui s’est dit ensuite, loin des caméras. Car cette fois, Yaïr Lapid, qui cumule désormais la direction du gouvernement et les Affaires étrangères, puisqu’il n’y aura pas de remaniement dans ce gouvernement de transition, est seul à la manœuvre.

Sauf que ce n’est pas tout à fait exact. Si l’on en croit les termes de l’accord de coalition qu’il avait conclu il y a un peu plus d’un an avec Naftali Bennett, lorsque s’opérerait la rotation au poste de Premier ministre, Naftali Bennett aurait à son tour le titre de Premier ministre suppléant, mais surtout aurait la charge du dossier de l’Iran. Une définition plutôt vague, pour l’enjeu stratégique et diplomatique numéro un de l’Etat d’Israël. Dans quelle mesure, le Premier chef du gouvernement de rotation, qui de surcroit a annoncé qu’il ne se représenterait pas aux élections de novembre et ferait une pause dans la vie publique, peut-il assumer le dossier iranien ? Et surtout que prévoit la loi ? Car ce cas de figure ne s’est encore jamais présenté. Le Premier ministre israélien a sous sa tutelle directe le Conseil de Sécurité Nationale et le Mossad, les deux institutions les plus importantes dans les affaires stratégiques du pays. Quant aux forces de défense et de sécurité, elles sont sous la tutelle du ministre de la Défense, du ministre de la Sureté et de l’ensemble du gouvernement. On voit mal comment Naftali Bennett pourrait en prendre la direction et encore moins Yaïr Lapid se résoudre à n’exercer que des fonctions diplomatiques protocolaires ou secondaires.

C’est bien lui qui sera aussi l’hôte du président Biden lors de sa visite en Israël dans une semaine et c’est avec lui que le chef de la Maison Blanche discutera des dossiers stratégiques régionaux, à commencer par l’Iran. Et même si la politique étrangère ne sera pas la priorité de Yaïr Lapid, elle devrait au moins contribuer à renforcer la stature d’homme d’Etat dont il a besoin pour faire face à Benyamin Netanyahou au scrutin de novembre. « Israël a de la chance de vous avoir à sa tête » lui a déclaré Emmanuel Macron. Il lui reste à en convaincre les électeurs.

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Pascale Zonszain

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