L’ambassadrice d’Israël en France revient sur l’Ukraine et le nucléaire iranien.

En déclarant la guerre à l’Ukraine, pays soutenu par les Occidentaux, Vladimir Poutine force toutes les capitales à prendre parti dans ce conflit. Israël a, dans un premier temps, souhaité rester neutre et un partenaire de négociation possible pour le Kremlin. Finalement, lors du vote à l’ONU du mercredi 2 mars, l’Etat hébreu s’est joint à 140 pays pour condamner l’invasion russe.

L’ambassadrice Yael German vient de prendre ses fonctions à Paris. Dans un entretien à L’Express, elle explique la prudence d’Israël dans ce dossier et met en garde l’Occident contre une autre menace, celle du nucléaire iranien.

Des négociations internationales se déroulent à Vienne autour du nucléaire iranien. Un accord avec l’Iran pourrait être trouvé. Comment Israël voit ces discussions ?

Nous sommes très inquiets, non seulement à cause du dossier nucléaire, mais aussi en raison des missiles de précision iraniens. Ces missiles se trouvent au Liban, aux frontières d’Israël. Le Hezbollah possède plus de 100 000 missiles : imaginez 100 000 missiles braqués sur Paris. Ce n’est pas le Hezbollah ou la Syrie qui vont décider où et quand tirer ces missiles, ce sont les Iraniens. Nous ferons tout, et nous espérons que nos amis feront tout, pour éviter que l’Iran devienne une puissance nucléaire.

Israël s’était opposé au précédent accord nucléaire, en 2015. Si un accord du même type est trouvé, sans prendre en compte les missiles balistiques, Israël s’y opposerait-il ?

Bien sûr. Nous voulons un meilleur accord pour avancer et nous protéger. Nous devons toujours privilégier la diplomatie, c’est vrai pour la crise en Ukraine comme pour l’Iran. Mais parfois, ce n’est pas suffisant et nous devons réfléchir à d’autres solutions. Toutes les cartes sont sur la table. Toutes.

Une solution à deux Etats, israélien et palestinien, est-elle toujours envisageable ?

Moi, je crois à cette solution : deux Etats pour deux nations. Yaïr Lapid y croit aussi. Mais il y a un gouvernement de coalition qui relève du miracle, qui est fragile et qu’il faut garder, car l’alternative est très dangereuse. Pour l’instant, la solution de deux pays pour deux nations ne peut pas être discutée, par manque d’accord au sein du gouvernement, tout comme le sujet des constructions en Cisjordanie.

Mais si je vous donne maintenant un accord de paix et que vous l’amenez à Gaza ou en Cisjordanie, pensez-vous que quelqu’un là-bas le signera ? Non, personne. L’Autorité palestinienne a peur de signer la paix avec nous. Cela a toujours été comme ça.

Est-ce que le temps ne joue pas contre une solution à deux Etats ?

J’espère que non. Nous avons signé les accords d’Abraham ces dernières années : davantage de pays arabes sont en paix avec nous. Dans deux ans, ils seront encore plus nombreux. Quand les Palestiniens verront que nous sommes en paix avec beaucoup de pays arabes, ils vont peut-être comprendre qu’il est temps de faire la paix avec Israël.

A Gaza, nous voulons investir dans l’économie pour la paix. Nous avons récemment signé un accord tellement beau avec la Jordanie : grâce à l’argent des Emirats, la Jordanie produit de l’électricité pour nous, nous produisons de l’eau désalinisée pour eux. Ça, c’est la paix. Nous pouvons faire la paix avec Gaza de cette manière.

Vous venez d’entrer en fonction à Paris. Comment jugez-vous l’état des relations franco-israéliennes ?

Nous sommes bons camarades, dans nos valeurs mais aussi au niveau personnel. Yaïr Lapid s’entend très bien avec Emmanuel Macron. Nous avons les mêmes croyances dans la liberté, l’égalité, la fraternité : ce sont des valeurs pour lesquelles nous nous battons aussi.

Cette relation a été refroidie par l’affaire Pegasus l’été dernier, avec des révélations d’espionnage d’hommes politiques et de journalistes français par un logiciel israélien. Quelles garanties l’Etat d’Israël a-t-il pu apporter à la France pour que cela ne se reproduise plus ?

Ce scandale, c’est du passé, de l’eau a coulé sous les ponts. Yaïr Lapid et Benny Gantz [NDLR : le ministre de la Défense] ont expliqué tout ce qu’ils pouvaient aux autorités françaises : Pegasus ne venait pas d’Israël, mais sans doute d’autres pays qui espionnent. Les Français savent que nous faisons de notre mieux pour les protéger.

Les actes antisémites sont en constante progression en France ces dernières années. Comment pouvez-vous lutter, à votre échelle, contre ce phénomène ?

J’aimerais que, quand ils entendent le nom d’Israël, les Français voient une nation démocratique en pointe sur la culture, la science, la santé, les énergies renouvelables. Ce serait une victoire qu’ils connaissent mieux la seule nation démocratique de notre région. L’antisémitisme n’est pas qu’un slogan, c’est de la violence, des meurtres : l’Hyper Cacher, les attentats à Toulouse, Sarah et Ilan Halimi…

L’Express. Extraits. (Copyrights).

 

Partager :