Israël change de tactique face à l’Iran. C’en est désormais fini des appels à la raison qu’Israël adressait depuis plusieurs mois aux Etats-Unis. A Jérusalem, on a compris que la Maison Blanche ne ferait plus machine arrière et irait jusqu’au bout des négociations avec Téhéran.
Le Premier ministre israélien et son ministre des Affaires étrangères ont pourtant adressé vendredi une ultime demande au président américain : qu’il ne cède pas à la dernière tentative d’extorsion iranienne de retirer les Gardiens de la Révolution de la liste des organisations terroristes.
« Une insulte aux victimes et un déni de réalité » ont affirmé Naftali Bennett et Yaïr Lapid dans leur message conjoint, qui rappelait à Joe Biden que la longue liste des victimes des Gardiens de la Révolution iraniens comportait des centaines de milliers de noms, israéliens, arabes, iraniens, mais aussi américains.
Mais ce baroud d’honneur ne change plus rien au résultat attendu : celui de la signature par les grandes puissances, d’ici quelques jours ou au plus tard quelques semaines, de la deuxième version du protocole d’accord conjoint sur le programme nucléaire militaire de l’Iran.
Le Premier ministre israélien a expliqué hier à la conférence du quotidien Yediot Aharonot, qu’il n’engageait un combat que s’il avait des chances raisonnables de le gagner et qu’il produise le résultat souhaité. Autrement dit, le temps n’est plus à engager de vaines querelles avec Washington, qui de toute façon n’écoute plus les arguments d’Israël en ce qui concerne spécifiquement la menace nucléaire de l’Iran. Ce qui signifie aussi qu’il y a une alternative.
Et c’est un changement de tactique face à l’Iran. Il ne s’agit pas de déclarer une guerre ouverte, mais de passer à une phase plus agressive. Naftali Bennett a expliqué que « le grand changement, c’est que l’Iran voit que, quand il envoie ses émissaires nous attaquer sur nos frontières, il reçoit une riposte beaucoup plus forte et beaucoup plus proche que par le passé ». Traduit en exemple concret, cela signifie que le mois dernier, les deux drones iraniens abattus au-dessus de l’Irak par la chasse américaine, étaient en route pour une attaque contre Israël.
Et que Tsahal a riposté directement en Iran, en bombardant avec ses propres drones la base de Kermanshah dans l’ouest iranien, détruisant des dizaines de drones iraniens. Ce qui explique que l’Iran ait ensuite lancé il y a dix jours une attaque de missiles contre Erbil dans le nord de l’Irak, où il affirmait qu’Israël opérait une base secrète.
Le conflit a donc changé de phase et ne se limite plus aux acteurs et aux terrains intermédiaires. Puisqu’Israël ne peut plus agir diplomatiquement et qu’il n’est pas engagé par l’accord qui sera conclu entre les P5+1 et l’Iran, il lui faut du moins contenir l’Iran dans le reste de ses activités hostiles, et se préparer à l’éventualité d’agir militairement pour prévenir une mise en œuvre par l’Iran de son projet nucléaire.
C’est une montée en puissance de la part d’Israël, au moins sur le plan déclaratif. Mais les dirigeants israéliens estiment qu’il faut s’y préparer dans la mesure où l’accord international expirera de toute façon en 2025 et qu’en 2031, Téhéran aura recouvré une totale liberté d’action pour son enrichissement d’uranium. C’est donc un message d’escalade calculée que Jérusalem envoie à Téhéran.
Pascale Zonszain.
Radio J.