Guerre en Ukraine : risques et opportunités pour Israël.
Jusqu’à ce que les premiers missiles russes frappent le territoire ukrainien, Israël avait gardé le silence. Depuis que la Russie est entrée en guerre contre l’Ukraine, cette neutralité est devenue intenable.
Yaïr Lapid a pris la parole pour exprimer la condamnation d’Israël face à la « grave violation du droit international » commise par la Russie.
Quelques heures plus tard toutefois, Naftali Bennett contournait l’obstacle, préférant se concentrer sur le drame humanitaire et appeler les Israéliens et les Juifs d’Ukraine à « rentrer à la maison ». Mais il ne faut pas confondre cette frilosité avec de l’indifférence. C’est que le conflit en Ukraine a déclenché une onde de choc qui ne s’arrêtera pas à l’est de l’Europe.
Israël va devoir réviser toute la réflexion stratégique qui l’a guidé ces trente dernières années. L’invasion russe en Ukraine peut avoir des répercussions immédiates sur les négociations en cours sur le programme d’armement nucléaire iranien.
La Russie est partie prenante aux pourparlers avec l’Iran, qui de son côté a déjà exprimé son soutien au Kremlin, puisque le ministre iranien des Affaires étrangères a affirmé que la crise était le « résultat des provocations de l’OTAN ».
Sur son front nord, Israël dépend de la bonne volonté de la Russie pour opérer en Syrie contre les positions iraniennes. C’est le facteur principal qui motive les dirigeants israéliens à cultiver leurs bonnes relations avec Moscou. Il sera évidemment beaucoup plus difficile de poursuivre les raids en Syrie, si la défense aérienne russe entre en action contre l’aviation de Tsahal. Mais il ne faut pas exclure ce scénario si on devait en arriver au point où Washington exigerait de Jérusalem de rompre le dialogue tactique avec les Russes.
Car cela peut aussi intervenir dans le cadre des sanctions par les Etats-Unis et aussi d’ailleurs par l’Europe contre la Russie. Il sera très difficile à Israël de rester en dehors de ce dispositif sans en supporter les conséquences. Le gouvernement israélien aura du mal à aller contre ses alliés et principaux partenaires commerciaux. Sans compter que ces sanctions vont aussi affecter des pays au-delà de l’Europe de l’Est, y compris au Moyen Orient. Si le blé ukrainien et russe n’arrive plus dans des pays comme l’Egypte, cela peut aussi avoir des conséquences politiques, avec une nouvelle déstabilisation des régimes en place.
Israël n’a donc pas vraiment d’autre choix que de s’aligner plus ou moins vite sur son allié américain. Mais dans le même temps, l’incapacité des Etats-Unis à résoudre la crise en cours en Ukraine, quelques mois après son fiasco en Afghanistan, donne aussi à réfléchir à ses alliés moyen-orientaux.
Ce qui veut dire que c’est aussi le bon moment pour renforcer les nouvelles alliances de normalisation entre Israël et les régimes sunnites de la région, meilleur moyen de les empêcher de se lancer par exemple dans une course aux armements anarchique.
En mettant en commun les ressources de défense d’abord contre l’Iran, Israël et ses partenaires se renforcent mutuellement. Et c’est aussi peut-être le bon moment de rétablir les relations avec Ankara.
Dans cette nouvelle configuration, la position stratégique de la Turquie, aux confins de la Méditerranée et de la Mer Noire, peut se révéler cruciale pour stabiliser la région.
Pascale Zonszain