Moralement, idéologiquement, humainement, l’Union Européenne veut aider l’Ukraine contre l’invasion russe. Cela se traduit aussi par des sanctions économiques et financières sans précédent pour faire pression sur le Kremlin et obtenir un cessez-le-feu.

Depuis le début des événements dramatiques, le 24 février 2022, les démocraties occidentales, les grands pays d’Europe couvrent en continu ce conflit en temps réel. Déjà, des milliers de morts et de blessés, des villes et villages bombardés par l’armée russe qui avance inexorablement malgré les pertes multiples infligées par la résistance ukrainienne, qui avait été, semble-t-il, sous-estimée par les planificateurs militaires de l’opération d’invasion de l’Ukraine.

Les millions de réfugiés, près de trois millions qui ont fui la mort et les destructions, montrent le terrible visage de la guerre ; les trains bondés avec ces visages d’enfants qui pleurent, ces mamans et ces grand-mères qui attendent dans le froid, sous la pluie le bol de soupe chaude, la main d’un humanitaire qui va les emmener vers un point d’accueil.

La guerre c’est horrible, de tout temps, mais aujourd’hui, en plus tout se voit, tout se sait, ou presque, et pourtant.

Malgré le soutien médiatique, politique économique et financier, malgré l’assistance militaire en équipements, armes et munitions, l’Ukraine reste seule face à l’invasion russe. Les européens et les USA continuent à condamner les russes, à préparer d’autres vagues de sanctions personnelles et globales contre la Russie, ses chefs, ses oligarques, mais rien n’y fait, la décision de Poutine de prendre l’Ukraine, de changer le gouvernement de Kiev et de s’imposer face à l’occident est non négociable, jusqu’à ce que Vladimir Poutine atteigne ses objectifs : l’arrêt de l’avancée de l’OTAN dans l’espace proche des frontières de la Fédération Russe. Si cette exigence russe reste relativement subjective et dangereuse pour l’heure, elle est l’idée maitresse de l’action guerrière de la Russie contre les quarante-cinq millions d’ukrainiens de Lviv à Odessa en passant par Kiev et Lougansk.

Donc, que fait l’Europe face à la Russie ? Au niveau militaire, il n’y a pas d’implication directe des forces militaires terrestres maritimes et aériennes contre les Russes. Pourquoi ? L’intervention directe de forces militaires européennes ou américaines impliquerait un risque de conflit face à face avec la Russie, c’est-à-dire, le risque d’un embrasement rapide menant à, un conflit mondial avec la possibilité d’une dimension non conventionnelle, utilisation d’armes chimiques voire d’armes nucléaires tactiques en Europe.

Si les européens sous la présidence du Président français montrent une réelle inquiétude et un pessimisme des plus angoissant, face à la plus grande crise humanitaire en plein cœur de l’Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, si les européens cherchent à, aider militairement avec du matériel l’armée ukrainienne, ils ne cessent de répéter qu’ils ne sont pas en guerre avec la Russie.

Pas en guerre avec la Russie au sens strict du terme, mais en guerre économique et financière face au Kremlin, comme le définissent les responsables russes, avec des risques qui peuvent accompagner les mesures de sanctions et d’envois d’armes défensives et offensives aux ukrainiens.

Dans cette situation d’impuissance volontaire due aux risques de conflit mondialisé, et peut-être de guerre nucléaire, le résultat est terrifiant : En 2022, malgré les images, la couverture en temps réel des évènements, les possibilités journalistiques, parfois extrêmement périlleuses pour les journalistes et leurs équipes de relater les évènements, le monde sait, mais n’agit pas ou très peu.

Certains, en Europe, demandent à Israël de prendre position de manière claire pour les Ukrainiens et contre les Russes. Israël, de manière privée et officielle, est impliquée sur le terrain humanitaire depuis le début de la tragédie ukrainienne, équipes de sauvetage des Juifs ukrainiens qui demandent dans l’urgence l’assistance d’Israël pour une alya immédiate. Des équipes médicales et l’envoi d’un hôpital de campagne dans la région de Lviv. De l’envoi de plus de 100 tonnes de matériel humanitaire et d’aide aux populations en détresse. L’arrivée de milliers de réfugiés Ukrainiens non juifs en Israël est actuellement à l’ordre du jour avec certaines oppositions de certains partis politiques, mais en fin de compte il est clair que l’État d’Israël prendra les mesures adéquates pour recevoir les réfugiés ukrainiens car c’est une obligation morale et éthique.

Il y a pourtant un point sur lequel il me semble bon et important de revenir ; des personnalités en France pensent, exigent d’Israël d’avoir une posture plus franche, plus marquée quant à la Russie et d’entrer franchement dans le camp contre Poutine avec l’Union Européenne et les USA.

Le gouvernement israélien condamne la violence et les morts en Ukraine, s’oppose à cette situation dramatique pour les populations et essaye par sa position proche à la fois des ukrainiens et de son Président et de la Russie de jouer le rôle d’intermédiaire, de médiateur pour obtenir un arrêt des combats. Tentative unique pour l’instant de rencontre entre le Président russe et un chef d’état occidental depuis le début de la guerre.

Israël est un pays déjà en guerre depuis des années, aujourd’hui face à l’Iran qui se rapproche inexorablement de l’arme nucléaire, face à une Iran qui s’installe en Syrie à la frontière nord de l’État d’Israël, les Russes présents sur le terrain syrien depuis plusieurs années jouent un rôle central dans la préservation des intérêts sécuritaires et militaires d’Israël contre l’Iran et les volontés guerrières de la République Islamique.

Les USA connaissent cette situation sensible et complexe à la frontière nord d’Israël. Les Européens, eux, n’ont jamais exigés des Iraniens de quitter le terrain syrien ou de cesser de menacer Israël.

Nous condamnons la violence et les morts Ukrainiens dans cette terrible guerre, nous condamnons aussi le fait que si nous sommes attaqués demain, bombardés, envahis, qui viendra dans l’urgence nous aider face à l’ennemi ? Qui ?

Dans un monde qui sait, qui voit qui entend mais qui ne fait rien, toujours pour de très bonnes et intelligentes raisons, dans un monde qui pleure le malheur des autres et qui est angoissé d’abord et avant tout par la montée du carburant ou d’une attaque sur son propre territoire, c’est le monde de l’hypocrisie et de l’impuissance volontaire.

En Israël, nous faisons partie du même monde, nous regardons bien ce qui se passe en Ukraine et comprenons que si personne n’est prêt à mourir pour l’Ukraine, personne ne sera là non plus pour nous. Israël est une démocratie, qui appartient au camp des démocraties, nous partageons les mêmes valeurs, nous payons le prix d’être la seule démocratie dans cette région du globe, nous payons le prix ultime pour rester un état juif et démocratique, mais ce prix nous sommes seuls à le payer.

à propos de l’auteur
Colonel de reserve de Tsahal. Ecrivain, analyste sécuritaire politique et militaire.
TIMES OF ISRAEL.
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