Daniel Haïk de i24News : « Alors qu’à Vienne on confirme l’imminence d’un accord entre l’Iran et les grandes puissances, à Jérusalem on manifeste une inquiétude grandissante, qui transcende de manière assez inattendue les clivages politiques.
On a ainsi pu voir dimanche dernier, à quelques minutes d’intervalle, le Premier ministre Naftali Bennett et le chef de l’opposition Benyamin Netanyahou dénoncer fermement les termes de cet accord : selon le chef du gouvernement, cet accord « va créer un Moyen Orient plus violent et plus instable », tandis que Netanyahou affirme qu’il sera « pire que le précédent ». Une étonnante communion, qui contraste singulièrement avec les critiques émises, ces derniers mois, par l’actuel Premier ministre quant à la gestion du dossier iranien par son prédécesseur.
Les principaux dangers de l’accord.
S’exprimant face aux leaders juifs américains cette semaine à Jérusalem, Naftali Benett a détaillé les trois dangers majeurs renfermés dans l’accord en gestation.
Il a tout d’abord pointé le fait que selon cet accord, le gel de l’enrichissement de l’uranium prendra fin dans deux ans et demi à peine. C’est, pour Israël, un délai beaucoup trop court, et qui met en danger la sécurité du pays. L’Iran exige en outre que l’AIEA referme les enquêtes menées ces dernières années sur son potentiel nucléaire. Comme si l’on tirait un trait sur les renseignements déjà acquis, et que l’on repartait à zéro, ce qui est inacceptable pour Israël.
Le troisième obstacle relevé par le Premier ministre réside dans la levée des sanctions internationales qui pourrait être immédiate et permettre à Téhéran de récupérer, très rapidement, des dizaines de milliards de dollars. Des fonds qu’il ne tarderait pas à mettre à profit pour renforcer ses « bras avancés » à proximité d’Israël, Hezbollah au nord et Hamas au Sud, ou à proximité des Emirats et de Bahreïn, avec un soutien aux Houtis du Yémen.
A cela il faut rajouter deux dossiers capitaux qui avaient déjà été éludés en 2015 dans le JCPOA, et qui apparemment n’apparaissent pas non plus dans le nouvel accord: celui des missiles balistiques et celui de la présence iranienne en Syrie.
Les Iraniens, grands vainqueurs des négociations.
Si l’accord n’est pas encore ratifié, on peut déjà en tirer plusieurs leçons importantes: la première, qui coule de source, est que si les Etats-Unis ont décidé coûte que coûte de conclure un accord avec l’Iran, même celui-ci n’est pas à leur avantage, rien ni personne ne pourront les en empêcher: ni Benyamin Netanyahou et son fameux plaidoyer anti-Obama devant le Congrès en mars 2015, ni le gouvernement Benett-Lapid-Gantz dont le son de cloche est nettement plus nuancé et bien plus complaisant envers les Américains… Conclusion: ce qui était valable pour l’administration Obama l’est tout autant, si ce n’est plus, pour l’administration Biden. Dans les deux cas, l’Amérique fonce droit dans le mur iranien, et les yeux grands ouverts. Il ne faudra donc pas s’étonner si elle se réveille groggy!
La seconde conclusion est que les Iraniens sortent grands vainqueurs de ces « négociations ». Ils y sont entrés il y a 10 mois à reculons, et en très nette position d’infériorité. Ils en ressortent la tête haute, en obtenant gain de cause dans l’immense majorité de leurs revendications. De facto, ce que Téhéran s’apprête à signer n’est rien d’autre que cet accord partiel à propos duquel Israël avait mis en garde dès le début des pourparlers. A Téhéran, on a de bonnes raisons de se frotter les mains, et de sourire face à l’incroyable naïveté de l’Occident.
Israël ne peut compter que sur lui-même face à l’Iran
La troisième conclusion qui découle de la première est qu’Israël ne peut et ne doit compter, dans le dossier iranien, que sur lui-même, et sur sa puissance militaire et technologique. Netanyahou répète régulièrement qu’au Proche-Orient la raison du plus fort est toujours la meilleure. L’acharnement des Américains et des puissances occidentales à vouloir « légitimer » le régime voyou iranien confirme que la seule véritable option pour l’Etat d’Israël face aux menaces de Téhéran est d’être toujours plus fort, performant, ingénieux et audacieux. C’est d’ailleurs ainsi qu’Israël a réussi à retarder au cours des 20 dernières années le développement du programme nucléaire iranien, et certainement pas en faisant confiance à « l’arme diplomatique » si chère aux démocrates américains et aux Européens.
Reste encore à déterminer comment et quand faire usage de cette force et de cette ingéniosité opérationnelle. Les avis des experts sont partagés: les plus nombreux estiment que la signature d’un accord renouvelé à Vienne privera Israël de concrétiser une véritable option militaire contre les installations nucléaires iraniennes. En effet, Israël ne pourra alors plus compter sur l’indispensable soutien logistique américain, et devra se cantonner à des opérations d’éliminations ciblées ou de destructions discrètes, c’est-à-dire non revendiquées. Il se murmure d’ailleurs à ce propos que Naftali Benett et le nouveau patron du Mossad, David Barnea, auraient d’ores et déjà planifié une série d’attaques de ce type. D’autres experts estiment, au contraire, que l’accord ne peut empêcher Tsahal de frapper même massivement en Iran, surtout s’il devait s’avérer que les Iraniens le violent ouvertement….
L’absence de mention d’une présence iranienne en Syrie dans l’accord qui se trame représente probablement la menace la plus immédiate et directe pour Israël. Et c’est là que le dossier iranien s’imbrique avec la crise russo-ukrainienne. En effet, il ne fait aucun doute que les Gardiens de la Révolution qui sont stationnés en Syrie, et en particulier le long de la frontière israélo-syrienne, bénéficieront rapidement de la « manne » financière débloquée au profit de l’Iran, sous forme d’armes de plus en plus sophistiquées et destinées à frapper Israël.
Or pour pouvoir continuer à neutraliser cette présence subversive iranienne, Tsahal a besoin de poursuivre sans encombre l’étroite coordination qu’il a développée, ces dernières années, dans les cieux syriens avec l’armée russe. Il s’agit là d’une nécessité sécuritaire prioritaire. Et pour que cette coopération se poursuive, il faut absolument éviter de fâcher un Vladimir Poutine, qui certes aime bien Israël et le peuple juif, mais qui est actuellement entièrement focalisé sur la crise avec l’Ukraine.
On comprend mieux pourquoi Israël s’était jusqu’ici gardé d’évoquer les manœuvres russes en Ukraine. Et s’il a bien condamné ce jeudi « l’invasion russe de l’Ukraine », le ministre des Affaires étrangères Yaïr Lapid l’a fait rapidement et du bout des lèvres, se hâtant de concentrer son allocution sur une proposition d’aide humanitaire et l’organisation du rapatriement des ressortissants israéliens… «
Daniel Haïk de i24News
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