Une énigme française : Pourquoi les trois quarts des Juifs en France n’ont pas été déportés ?

Tout a commencé par une question posée par Simone Veil à Jacques Semelin en 2008 : « Comment se fait-il que tant de Juifs ont pu survivre en France malgré le gouvernement de Vichy et les nazis ? » Un vrai défi pour cet historien spécialiste des crimes de masse et de la Shoah.

Si Serge Klarsfeld a établi que trois quarts des Juifs en France ont échappé à la mort (chiffre exceptionnel en Europe), ce n’est en effet pas l’action des quelque 4 000 Justes français qui peut à elle seule l’expliquer. Et ce n’est pas davantage (comme certains le soutiennent à nouveau aujourd’hui) une imaginaire mansuétude de Vichy, dont l’implication criminelle n’est plus à démontrer. Il y avait donc bien une « énigme française » sur laquelle l’historiographie était encore très pauvre.

En collaboration avec Laurent Larcher, journaliste à La Croix, l’historien nous raconte son enquête passionnante dans la mémoire des Juifs non déportés, son analyse des circonstances de l’époque, ses rencontres avec Robert Paxton, Robert Badinter, Pierre Nora, Serge Klarsfeld…

C’est une autre vision de la France des années noires qui surgit qui bat en brêche et ceux qui veulent réhabiliter Philippe Pétain et ceux qui ont assuré qu’une bonne partie des Français ont soutenu sans état d’âme les demandes allemandes.

Selon Jacques Sémelin, les Français de la fn des années 30 étaient xénophobes, mais, une fois passé le moment de fausse unanimité, pétainiste de 1940, ils avaient peu à peu retrouvé leurs points de repère traditionnels : l’idée d’égalité qu’avait enseignée l’école républicaine, la pratique de la charité chrétienne que prônaient les Eglises.

En juillet 1942, tout de suite après les premières rafles spectaculaires, une parole s’est élevée : celle du cardinal Saliège, archevêque de Toulouse, qui rédige une lettre pastorale qui affirme : « Les juifs sont nos frères ». C’est son intervention et certes pas la générosité du gouvernement Laval qui a fait freiner l’exécution des taches honteuses qu’il acceptait sur l’ordre des Allemands.

Si tant de juifs ont échappé à la déportation, c’est aussi qu’ils se sont sauvés eux-mêmes. Ils étaient encore 40000 qui, en 1944, survivaient discrètement à Paris mais ils s’étaient majoritairement dispersés à travers le pays, dans les campagnes, dans les replis de la carte, dans la poussière des hameaux où les maires faisaient souvent semblant de ne pas les voir, recueillant même leurs enfants dans les écoles. Il y a eu les villages des Cévennes, ce Jardin d’Israël mais il y en eut tant d’autres, jusqu’en Vendée : Chavagnes en Paillers…

C’est toujours la même question, le haut et le bas. Il y avait en bas des hommes et des femmes qui ne sont pas allés chercher de reconnaissance après-guerre et qui, plus tard, forcés de questions par les enquêteurs, disaient simplement ; « Nous devions le faire, nous l’avons fait, c’est tout ». Et ils n’expliquaient pas comment ils avaient procédé. Au cas où nous aurions à le refaire, ajoutaient-ils.

Il restera la question « Oui les trois-quarts des juifs non pas été déportés… Mais les autres ?

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