Si plusieurs pays occidentaux ont annoncé le boycott diplomatique des JO d’hiver de Pékin 2022, Israël enverra bien ses sportifs sur les montagnes du nord-ouest de la capitale chinoise.

La participation des athlètes israéliens confirme la lune de miel que vit le couple israélo-chinois depuis juste 30 ans ; le 24 janvier 1992, les deux pays renouaient leurs relations diplomatiques.

Autant dire qu’il n’est pas question pour Israël de manquer le rendez-vous de Pékin (4-20 février) ; le coup de foudre entre les deux peuples s’est traduit par une poussée spectaculaire des relations bilatérales et il serait dommage de les remettre en cause.

Coup de foudre mutuel.

Très vite, les deux peuples ont compris le potentiel d’une coopération étroite dans de nombreux domaines comme le tourisme, l’agriculture, la technologie et même la défense.

L’Israélien est véritablement tombé amoureux de la Chine ; il s’est mis à apprendre le chinois, il achète chinois et il n’hésite pas à vendre les joyaux de sa technologie à des sociétés chinoises.

Le Chinois n’est pas en reste ; il jalouse le savoir-faire israélien, investit massivement dans les entreprises israéliennes et vend sans compter ses articles de consommation courante aux Israéliens qui effectuent leurs achats en ligne.

A tel point que, partie de rien, la Chine est devenue en trente ans le deuxième partenaire commercial d’Israël (derrière les Etats-Unis) : en 2021, les échanges commerciaux entre les deux pays ont dépassé les 15 milliards de dollars.

Pluie d’investissements

Les Chinois ne se contentent pas de vendre leurs produits aux Israéliens ; attirés par la marque « Israël » qui symbolise la compétence et l’innovation, ils viennent placer leur argent en prenant des parts dans des sociétés israéliennes.

L’engouement des investisseurs chinois pour les entreprises israéliennes a démarré au début des années 2010 ; ils rachètent à tour de bras et dans de nombreux domaines allant de l’agroalimentaire aux télécoms, chimie, électronique, etc.

Parmi les sociétés israéliennes les plus connues qui sont tombées dans l’escarcelle des Chinois, on trouve : la coopérative laitière Tnouva, les cosmétiques de la mer morte Ahava, les jeux en ligne Playtika, etc.

Jusqu’au déclenchement de la pandémie de Covid-19, les richesses touristiques de la Terre sainte attiraient de plus en plus de visiteurs chinois ; en 2019, ils étaient 143.000 Chinois à effectuer une visite en Israël, soit cinq fois plus qu’en 2014.

L’inquiétude de Washington

Une seule ombre au tableau : les Américains ne voient pas d’un bon œil la présence chinoise chez leur allié israélien.

Vue de Washington, la coopération avec la Chine pourrait bien entraver l’alliance stratégique qui lie Israël aux Etats-Unis.

Autrement dit, Israël aiderait la Chine à devenir une puissance régionale qui ferait de l’ombre à l’hégémonie américaine.

D’ailleurs, les Chinois ne s’en cachent pas ; ils affirment haut et fort que leurs investissements en Israël n’ont pas pour seul objectif de rentabiliser leurs capitaux.

L’argent chinois vise aussi à maîtriser des technologies qui serviront les desseins commerciaux et géopolitiques de Pékin ; au grand dam des américains qui craignent la vente ou la divulgation des technologies militaires israéliennes à la Chine.

Bref, rien de mieux que des épreuves de ski alpin aux Jeux olympiques d’hiver de Pékin pour renforcer la bonne entente israélo-chinoise…

Times of Israel

à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998 et à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005. Aujourd’hui, il enseigne l’économie d’Israël au Collège universitaire de Netanya. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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