Lorsqu’il avait pris ses fonctions le 13 juin 2021, le Premier ministre Naftali Bennett avait réuni ses quatre enfants pour leur expliquer qu’il serait désormais l’homme le plus haï d’Israël. Il ne croyait pas si bien dire.

Ainsi, le 5 janvier dernier lorsqu’il est venu à la Knesset soutenir ses troupes malmenées par l’opposition lors des débats relatifs au projet de « loi sur l’électricité » visant à raccorder au réseau des habitations construites illégalement dans le secteur arabe : attaqué, insulté, il s’est emporté contre Orit Strok, députée de l’opposition, (« Hors de ma vue ! »).

Il est vrai que son ancienne alliée insistait lourdement sur le fait qu’il combat désormais des positions qui étaient les siennes il n’y pas si longtemps. La loi sur l’électricité a fini par être adoptée, mais Naftali Bennett ne sera jamais au bout de ses peines. Il se débat dans de multiples contradictions.

Celles auxquelles il s’attendait en prenant la tête d’une coalition regroupant trois partis de droite, deux partis du centre, deux partis de gauche et un parti arabe islamo-conservateur. Celles, plus surprenantes et plus délicates à gérer, au sein de son parti, Yemina (A droite !) : six députés formés à l’école du nationalisme refusant toute négociation avec l’Autorité palestinienne, toute partition de la «Terre d’Israël ».

Plus encore, de ce côté de l’échiquier politique, on est partisan de la construction, de l’extension et de la légalisation des implantations juives en Cisjordanie en attendant le jour béni où la « Judée-Samarie » pourra être annexée à l’Etat juif.

Cette semaine, le projet de « loi sur la citoyenneté » pourrait encore faire tanguer la coalition dont l’aile gauche (le parti Meretz) refuse la ségrégation confirmée par ce texte interdisant le regroupement des familles israélo-palestiniennes à l’intérieur de la Ligne verte. Toutes ces difficultés n’empêcheront pas Benny Gantz, le très entreprenant ministre de la Défense, de présenter un projet complétant la « loi sur l’Etat-nation » : dans ce nouveau texte, le principe d’égalité (entre Arabes et Juifs), censé inspirer toute législation depuis la déclaration d’Indépendance (1948), serait réaffirmé avec force.

En 2018, lorsque la loi contestée a été adoptée, un certain Naftali Bennett, son parti et ses alliés, n’avaient rien trouver à redire à l’omission volontaire de cette mention.

Dans ce climat délétère, c’est peut-être avec soulagement que, le 27 août 2023, Naftali Bennett laissera son siège à Yaïr Lapid. Gageons que, si l’accord de rotation est respecté, lui aussi connaîtra la dureté de la mission.

à propos de l’auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de « Les Juifs et la droite » (Pascal, 2010), « La République et les tribus » (Buchet-Chastel, 2014), « Génération SOS Racisme » (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), « Israël et ses conflits » (Le Bord de l’Eau, 2017). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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