Chez les haredim les héros sont normalement des rabbins : les normes religieuses et les traditions sectaires dynastiques très strictes ne laissent que peu d’espace aux autres.
Dans ce contexte, l’auteur pour enfants et thérapeute Chaïm Walder avait réussi à se tailler un espace unique, ébranlé par des poursuites judiciaires. Il s’est suicidé lundi 27 décembre, sur la tombe de son fils, mort d’un cancer à 28 ans.
Dans la lettre qu’il a laissée, l’auteur à succès a donné rendez-vous à ses détracteurs au tribunal du jugement dernier. La veille, les témoignages de manipulation, d’agressions et de viols à répétition s’étaient suivis au tribunal rabbinique de Safed, dans le nord d’Israël.
A 53 ans, il avait déjà publié plus de 80 livres qui, depuis deux générations, ont eu une place de choix sur toutes les étagères des enfants ultraorthodoxes à travers le monde. Les camps d’été qu’il animait privilégiaient la thérapie par l’expression artistique. Directeur d’une structure d’accueil des enfants à risque dans la ville ultraorthodoxe de Bnei Brak, en banlieue de Tel-Aviv, il s’était diversifié dans la thérapie familiale : c’est dans ce contexte qu’il semble avoir rencontré la plupart de ses victimes.
Il avait aussi une présence importante dans les médias communautaires, dont l’influent journal Yated Ne’eman. « C’était l’équivalent haredi d’une superstar », explique Aaron Rabinowitz, journaliste spécialisé dans la communauté ultraorthodoxe au quotidien Haaretz, et coauteur avec sa collègue Shira Elk de l’enquête qui a révélé les abus sexuels.
« Moi aussi, j’ai grandi avec les livres de Walder », confie M. Rabinowitz. Il aura fallu plus de deux ans d’investigations aux deux journalistes pour découvrir les actes de l’auteur, deux ans qui ont aussi mené à des poursuites contre un autre ultraorthodoxe important, Yehuda Meshi-Zahav, fondateur de l’association de secouristes bénévoles ZAKA.
Les deux journalistes font partie d’une nouvelle génération de jeunes ultraorthodoxes qui n’hésitent plus à sortir de leur communauté pour parler de ses problèmes. Les envies prudentes d’émancipation de la nouvelle génération et les manquements du leadership pendant la pandémie de Covid-19, qui a été très rude dans les villes ultraorthodoxes, poussent petit à petit au changement. Malgré les efforts des rabbins, les jeunes sont de plus en plus connectés à Internet. Sur les réseaux sociaux, ils trouvent des espaces d’expression moins régimentés, où on débat des dernières révélations en toute liberté.
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