Vaille que vaille, le gouvernement de Naftali Bennett a passé le cap des trois mois, lundi 13 septembre. L’exploit est notable, tant sa coalition est fragile et la situation avec les Palestiniens volatile. Nommé in extremis le 13 juin dernier, le nouveau gouvernement israélien n’a pour ainsi dire aucune marge de manœuvre.
Il ne possède qu’une majorité d’un siège à la Knesset (61 pour 120 sièges au total). Au moindre désaccord, c’est tout le château de cartes qui s’effondre. Pourtant, tous ensemble, les huit partis d’extrême droite, d’extrême gauche, arabe ou du centre, maintiennent le cap. Objectif : empêcher par tous les moyens un retour de Benyamin Netanyahou au pouvoir.
Un gouvernement qui se sait fragile.
Les clés du succès ? Le statu quo. Le nouveau gouvernement se sait fragile et ne veut pas d’un nouveau conflit ouvert avec Gaza dont, d’ailleurs, il n’est pas passé loin ce week-end. La traque et l’arrestation de quatre des six fugitifs palestiniens enfuis d’une prison de haute sécurité israélienne ont donné lieu à des échanges de tirs entre la bande de Gaza et Israël, vendredi 10 et samedi 11 septembre. Sans faire de victime. Bander les muscles sans jamais franchir la ligne rouge. Dans une volonté d’apaiser les tensions, Israël avait d’ailleurs levé, deux semaines plus tôt, une partie des restrictions qui pèsent sur l’enclave.
« Ce gouvernement ne va ni annexer des territoires ni former un État palestinien, tout le monde le comprend », déclarait encore en août le premier ministre, Naftali Bennett, auprès du New York Times. Plus tôt, le gouvernement annonçait la construction de 2 000 nouveaux logements pour les colons juifs en Cisjordanie occupée. Plus 1 000 logements à destination des Palestiniens. De quoi « donner satisfaction aux différentes clientèles de la coalition et que chacun y trouve son compte », commente Alain Dieckhoff, directeur de recherche au CNRS et directeur du centre de recherches internationales de Sciences-Po Paris.
Décisions collégiales.
Le nouveau gouvernement tient à marquer sa différence avec son prédécesseur. « Il se montre efficace dans sa lutte contre le coronavirus, et plus transparent que ce qui pouvait se faire sous Netanyahou », considère Mairav Zonszein analyste à l’International Crisis Group (ICG). Benyamin Netanyahou avait pris seul la décision de normaliser ses relations avec les Émirats arabes unis et le Barhein. Désormais, les décisions se font de manière collégiale.
Sur le plan international aussi, les relations se veulent plus apaisées. Le ministre des affaires étrangères et futur premier ministre, Yaïr Lapid, multiplie les déplacements aux États-Unis, aux Émirats arabes unis, au Maroc et plus récemment en Russie. De son côté, Naftali Bennett a récemment rencontré le président américain, Joe Biden, pour restaurer les liens effrités par le duo explosif Netanyahou/Trump.
Accord sur le futur budget.
Empêtré dans un procès pour corruption, Benyamin Netanyahou continue d’attaquer les « mauvaises » décisions du gouvernement. Mais ses invectives, il faut le dire, se font plus discrètes. « Il attend probablement de voir ce qu’il se passera en novembre pour dégainer », reprend Mairav Zonszein. À cette date, le gouvernement doit voter le budget.
Un premier accord a été trouvé, début août, sur le futur budget. « À moins d’un changement de dernière minute, ils devraient le voter », estime la chercheuse. « Ce serait définitivement une victoire pour le gouvernement. » Benyamin Netanyahou avait pris en otage son pays pendant plus de deux ans en sabotant le vote du budget et forçant de fait la dissolution de son gouvernement pour précipiter de nouvelles élections.