EDITORIAL. L’été 2021 a marqué le début d’une ère nouvelle pour Israël : Israël a tourné la page du « bibisme » ; et maintenant ? Surprise : la vie quotidienne se poursuit normalement, même après un changement politique d’envergure à la tête du pays.

On pourrait même dire que l’après-bibisme a vite démarré ; deux mois seulement après la mise en place du gouvernement Bennett, les signes se multiplient d’un nouveau mode de gouvernance avec des nouvelles lignes directrices et un retour à la normalité institutionnelle, politique et économique.

Certes, la coalition hétéroclite du gouvernement israélien ne permettra pas de prendre des décisions révolutionnaires. Qu’à cela ne tienne : donner un budget au pays, insuffler un nouvel esprit de coopération avec les Etats-Unis ou reprendre un dialogue cohérent avec l’Autorité palestinienne, voilà des raisons qui suffisent à justifier cette coalition.

L’après-bibisme est bien commencé : voici brièvement les dix signes précurseurs.

  1. Le budget 2021-2022 est prêt : après trois années de blocage, le gouvernement israélien revient à la normalité en s’accordant sur un budget.

Voté en conseil des ministres le 2 août, la loi de finances pour 2021 et 2022 a été approuvée en première lecture par les députés ce 2 septembre. Il s’agit d’un budget plutôt « conservateur » mais les contraintes de la coalition ne pouvaient laisser espérer mieux et il permettra à l’Etat de se donner les moyens de sa politique.

  1. La vaccination se poursuit : l’injection d’une troisième dose a démarré fin juillet et la campagne de vaccination bat son plein à partir de 12 ans.

Comme le gouvernement précédent, l’actuelle coalition est tout à fait capable d’approvisionner le pays en vaccins : on comprend que les « relations personnelles » de l’ex-Premier ministre avec le PDG de Pfizer n’ont pas vraiment joué puisqu’un dirigeant jeune et inexpérimenté a obtenu les mêmes résultats.

  1. La santé redevient prioritaire : des postes de soignants seront créés et des budgets supplémentaires accordés aux hôpitaux.

La crise sanitaire va mettre fin à une décennie de sous-investissement dans la santé en Israël. Certes, les réformes nécessaires exigent du temps et de l’argent, mais la coalition a clairement indiqué sa volonté de rattraper le temps perdu, accordant une rallonge de 2 milliards de shekels pour 2021.

  1. La rentrée scolaire a eu lieu le 1er septembre : après de longues concertations, le gouvernement a décidé de maintenir la rentrée scolaire à la date habituelle.

C’est une bonne nouvelle pour les parents d’élèves : l’école a repris ce 1er septembre, comme prévu, pour plus de 2 millions d’enfants. Si le protocole sanitaire est strict, la reprise d’un rythme scolaire normal pour les enfants est une nécessité après une année de cours à distance.

  1. La coopération avec les Etats-Unis redémarre : la rencontre Bennett-Biden à Washington la semaine dernière va insuffler un nouvel esprit de coopération entre les deux pays.

Dans un anglais courant (comme son prédécesseur), Naftali Bennett a donné un nouveau départ aux relations israélo-américaines ; si les désaccords subsistent sur de nombreux dossiers, le dialogue avec le Parti démocrate (délaissé ces dernières années) va reprendre et s’améliorer.

  1. Le nucléaire iranien reste un danger pour la sécurité d’Israël : Bennett s’oppose au retour des Etats-Unis dans l’accord sur le nucléaire iranien de 2015 et dont l’ancien président Donald Trump s’était retiré.

A l’occasion de leur rencontre, Bennett et Biden se sont accordés sur un point, l’Iran ne sera pas une puissance nucléaire ; et si la diplomatie ne suffit pas à atteindre cet objectif, « d’autres options » sont envisageables précisera Biden devant son hôte interloqué.

  1. Le contact avec l’Autorité palestinienne reprend : après onze années d’interruption, une rencontre (de haut niveau) a eu lieu le 29 août dernier à Ramallah entre le ministre israélien de la Défense Benny Gantz et le président palestinien Mahmoud Abbas.

Si le gouvernement Bennett ne fera pas avancer la solution au conflit sur la base de deux Etats, une nouvelle stratégie semble se mettre en place : à l’opposé du gouvernement précédent, la nouvelle équipe au pouvoir voudrait renforcer le Fatah (à la tête l’Autorité palestinienne) et affaiblir le Hamas (qui contrôle Gaza).

  1. Une commission d’enquête sur la tragédie de Meron est nommée : une des premières décisions du gouvernement Bennett fut la mise en place d’une commission qui fera la lumière sur la tragédie qui a fait 45 morts et plus de 100 blessés.

Le gouvernement précédent avait tergiversé, la nouvelle coalition n’a pas hésité : la commission dirigée par la juge Miriam Naor a déjà commencé ses auditions pour établir les responsabilités de la bousculade mortelle au Mont Meron en avril dernier.

  1. les Bédouins du Néguev seront moins transparents : le soutien du parti islamiste Raam au gouvernement Bennett redonne espoir à 100.000 citoyens israéliens qui n’ont pas d’adresse officielle.

Le gouvernement précédent avait déjà promis la reconnaissance des villages bédouins, promesse qui n’a jamais été tenue ; l’accord de coalition prévoit la légalisation de plusieurs villages bédouins encore non reconnus ainsi que le gel des destructions de constructions arabes illégales jusqu’en 2024.

  1. L’épouse du Premier ministre est invisible : Gilat, la femme de Naftali, a refusé de déménager avec son mari à la résidence officielle du Premier ministre à Jérusalem, un comble !

Naftali Bennett a longtemps hésité avant de s’installer dans la résidence officielle ; et lorsqu’il s’y est résigné, sa femme et leurs quatre enfants sont restés à leur domicile privé de Raanana, préférant leurs habitudes quotidiennes à la vie mondaine de la rue Balfour.

Last but not least : Gilat n’a pas accompagné son mari lors de son dernier déplacement aux Etats-Unis.

Encore le signe d’un certain retour à la normalité…

à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998 et à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005. Aujourd’hui, il enseigne l’économie d’Israël au Collège universitaire de Netanya. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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