Otage au Nigéria 20 jours, Rudy Rochman sur Radio J: « Ils nous ont traité comme si on était des animaux ». Rudy Rochman était l’invité de Ilana Ferhadian sur Radio J, à 7h40. Il est revenu sur l’enfer de son emprisonnement au Nigeria.
Les cinéastes et journalistes israéliens Rudy Rochman, Andrew Leibman et David Benaym, incarcérés et enfermés dans une prison dans des conditions très précaires au Nigeria depuis près de vingt jours, ont enfin été libérés mercredi 28 juillet, arrivant peu avant 9 heures le lendemain matin.
Les trois hommes s’étaient rendus au Nigéria pour le tournage d’un documentaire en plusieurs saisons, We were never lost, visant à faire découvrir plusieurs tribus perdues d’Israel. Première étape : l’Afrique, au Nigeria, où les trois hommes sont allés à la rencontre de la communauté Igbo qui se considère juive. Arrivés dans le pays le 6 juillet dernier afin de tourner le premier épisode, la journée se passe bien, quelques images sont tournées, et un Sefer Torah est même offert par les garçons à la communauté.
Mais tout bascule le lendemain, à 7h30 du matin. Noam, Rudy et David sont brutalement arrêtés par plusieurs hommes qui leur confisquent leurs passeports, comme le raconte Rudy : « Il y avait au moins une quinzaine de personnes avec des cagoules noires et des grands fusils israéliens. Ils nous on dit de rentrer dans un van et qu’ils allaient nous poser quelques questions pendant une heure. »
Et Rudy Rochman poursuit : « Une demi-heure après on arrive dans un lieu et ils nous mettent dans une chambre. On attend quelques heures. Je rencontre le chef et je lui explique que ça va être chabbat dans quelques heures et qu’on doit filmer la communauté. Il me dit que nous allons partir dans quinze minutes. Je retourne dans la chambre. On était avec une femme et un guide nigérien. Mais, les quinze minutes sont devenues une heure, deux heures, trois heures… Puis, ils ont commencé à nous prendre un par un pour nous interroger, crier sur nous. »
Aucune réelle explication n’est alors donnée quant à leur arrestation, ce qu’explique Rudy Rochman : « On n’a jamais vraiment été arrêtés officiellement. Ils ont fait ça exprès parce qu’ils ne voulaient pas qu’on ait les droits de quelqu’un qui a été arrêté. Dans les lois internationales, dans les premières 48 heures, il faut que ce soit dit pourquoi tu es arrêté et il faut avoir une charge ou relâcher la personne. Mais nous on n’a rien eu. On était des journées et des journées dans une cage. »
En réalité, la communauté juive du Nigeria est accusée d’être du côté des séparatistes biafrais, anti-gouvernementaux ; elle est ainsi persécutée depuis plusieurs années. A leur contact, les trois cinéastes ont donc été accusés de prendre parti et de faire, selon les autorités nigérianes, un documentaire politique.
Le lendemain, les trois hommes sont transportés à Abuja, la capitale. Un voyage très long, qui reste gravé dans leur mémoire (9 heures de route en voiture). Ils restent toute la journée dans une chambre avec pour seule nourriture quelques raisins et crackers. Après avoir dormi par terre, ils retournent dans le van vers le centre du DSS (services du renseignement intérieur nigérien). Alors qu’on leur promet qu’ils pourront voir leur ambassadeur et récupérer leurs téléphones, il n’en est rien :
« Ils nous ont encore menti et nous ont jeté dans une autre cage. Les conditions étaient horribles. Il n’y avait pas de clim, il faisait chaud, on transpirait. Il n’y avait pas de lumière, on ne voyait rien. Le mur était dégueulasse, il y avait des écritures de gens qui avaient peut-être vécu leur dernier jour de vie. Il y avait des bouteilles d’urine. Ça sentait mauvais. Il y avait des moustiques et des cafards de partout. Il n’y avait pas de lits. On dormait par terre. On était trois dans cette cellule et on ne savait rien. On ne pouvait pas avoir de télé, d’informations, de téléphone, pas de livre. Tu ne vois rien et tu n’entends rien pendant tellement d’heures.«
Ils n’avaient pas non plus de douche et n’ont pas pu changer de vêtements.
« Quand on a rencontré l’ambassade d’Israël on a eu un peu à manger. On a eu une douche après une semaine mais ce n’était pas une vraie douche. On est rentrés dans les toilettes publiques et il y avait un peu qu’ils utilisaient pour s’essuyer quand il n’y avait pas de papier toilettes ou pour laver le sol. Du coup, on a rempli ce pot avec de l’eau du robinet et on la renversait sur notre tête. »
Rudy Rochman ajoute qu’après une semaine, « ils nous ont mis dans une autre cage un peu plus grande mais tout aussi dégueulasse. Ils nous ont traités comme si on était des animaux. On a perdu notre liberté, tout droit. »
Bien heureusement, le journaliste a eu l’occasion de parler quelques secondes avec sa mère. Mais, en dehors de cela, ils n’ont pas pu parler à leurs familles ou à leur avocat. Parmi eux, se trouvaient aussi deux personnes qui avaient commis des actes illégaux. « Ils avaient des bénéfices s’ils leur donnaient des informations sur nous. On ne savait pas avec qui on était et c’était comme ça pendant environ deux semaines. »
Finalement, grâce à une belle solidarité, notamment des ambassades, du monde des médias, et bien d’autres encore, les trois hommes sont finalement sauvés de cet enfer, après 20 jours de captivité : « Tellement de gens ont prié pour nous. Il y a deux jours, on a pu retourner en Israël. Mais, il y a toujours la femme qui était prise avec nous. Ils doivent payer 3 000 dollars pour la faire sortir. On va essayer de lever une campagne pour récolter cette somme. »
Aujourd’hui, le projet du film est toujours en cours. Il reste six épisodes à filmer. Cela prendra sûrement plus de temps que prévu mais ils vont se battre pour réaliser leur projet. « Dans une partie de ces épisodes il y aura peut-être des interviews des Igbo qu’on avait déjà pu faire. On va aussi raconter l’histoire qu’on a vécu, qui représente peut-être ce qu’ils vivent tous les jours. Ils sont toujours discriminés. Lorsque quelqu’un fait quelque chose, il est tué. Peut-être que dans un mois on ira dans un autre pays africain. On ne dira à personne où on va pour qu’il n’y ait pas de problème. »
Cécile Breton (RadioJ)