Catalyst Investments est un fonds créé par le français Edouard Cukierman, Yair Shamir (photo) et Boaz Harel, qui gère plus de 400 millions de dollars d’investissements.
Le fonds se concentre sur la promotion de start-ups de taille moyenne dans des domaines tels que les télécommunications, la production avancée, l’informatique, les équipements médicaux et les sciences de la vie.
Parmi les principales entreprises de son portefeuille figurent : Mobileye, Tufin Technologies, Taboola, ou encore Arbe Robotics. (Times of Israel).
YAIR SHAMIR. Intelligence on line : « Yair Shamir entretient des liens privilégiés avec Dassault : il dirige un fonds de capital-risque alimenté par le groupe français ».
Fils de son père, il porte la même moustache blanche et soutient le même ordre d’idées que feu Itzhak Shamir, ancien Premier ministre. Son prénom lui vient du héros caché Avraham “Yaïr” Stern, tué par les Britanniques en 1942. Stern était le leader passionné d’un groupe de combattants juifs qui avait fait scission de l’Irgoun pour former le groupe qui allait porter son nom, en 1940. Après la mort du chef, Itzhak Shamir a fait partie du triumvirat qui a dirigé la milice.
Le petit Yaïr est né en 1945, au beau milieu de la lutte contre les Britanniques, 6 mois après l’assassinat de Lord Moyne en Egypte par le groupe, et un an avant l’attentat de l’hôtel King David à Jérusalem. A son 18e anniversaire, son père est directeur du Mossad. En 1965, Shamir père quitte la prestigieuse agence, tandis que le fils est commandant dans l’armée de l’air. Une expérience formatrice : il développe des contacts dans l’industrie qui l’accueillera par la suite, et bénéficie également de quelques précieuses leçons sur la technologie et l’organisation de masse.
“Pendant toutes mes années dans les forces de l’air, de 1963 à 1987, de pilote à commandant, mon seul diplôme a été celui d’ingénieur (obtenu au Technion, l’Institut technologique d’Israël à Haïfa)”, se rappelle-t-il. “J’étais en charge de l’électronique et de la logistique, de la maintenance et de la main-d’oeuvre. A un moment, on m’a nommé commandant d’escadron, mais j’ai refusé. Je préférais l’ingénierie”.
Plus important, selon lui, il était aux premières loges pour observer la haute technologie. “C’était l’époque de la révolution numérique. Je comprenais que le numérique c’était le futur, mais nous étions, à l’époque, un pays analogique. Par exemple, dans les années 1960, nous sommes passés du radar français au radar américain. Ces changements illustraient l’avenir”.
De l’armée au privé Il fait alors un choix qui va influencer ses relations avec son père tout comme l’Etat. “Ma relation avec mon père était très spéciale. Nous étions comme des amis. L’un était plus âgé que l’autre, mais c’était ainsi. Bien entendu, je l’appelais ‘Abba’”, ajoute-t-il.
Dans son enfance, Shamir père était très souvent pris. Et les choses n’ont pas changé avec son entrée en politique.
“Nous avions une tradition : celle de nous voir toutes les semaines. Même lorsqu’il était Premier ministre et que j’étais chef d’entreprise. On se parlait de tout. Je lui racontais mes expériences et mes difficultés, et parfois je lui donnais même des conseils”.
C’est lors de l’un de ces tête-à-tête qu’il avoue son départ pour le privé. “Je ne l’avais pas consulté, ni demandé sa permission, et il a mal pris le fait que je ne reste pas dans l’armée. Il avait l’impression que j’avais remplacé mon drapeau israélien par celui du dollar”.
Mais pour le jeune Shamir, la décision de quitter le service n’en reste pas moins un engagement envers le projet national.
A ses yeux, c’était justement une indépendance économique qu’il fallait à Israël pour remporter la bataille. Dans sa vie d’homme d’affaires, il a donc dirigé Scitech (imprimerie numérique) puis Elite, compagnie de chocolats et de cafés.
En 1998, il accompagne une entreprise de vidéoconférences à la Bourse, puis crée un fonds d’investissement. Il est fier de ses accomplissements.
Et les raconte sur le ton de celui qui s’est fait une spécialité de sauver des entreprises à la dérive, coincées dans une autre époque. “Chez Elite, c’est eux qui sont venus me chercher. Il m’a fallu deux ans pour remettre la compagnie sur pied”, se remémore-t-il. “C’était un problème de management. Il n’y avait pas d’image de marque claire et définie, pas de direction.
Trop de politiques internes et trop de produits”.
Du privé au public A sa longue liste de réussites, Shamir ajoute son entrée au conseil d’administration d’El Al en 2004. C’est là qu’il rencontre Avigdor Liberman, alors ministre des Transports, et se dit immédiatement impressionné.
“Dans ma relation avec Yvet (Liberman), une promesse est une promesse, une parole est une parole, et une mise à exécution, une mise à exécution. Nous nous sommes souvent rencontrés et nous avons partagé beaucoup de choses. J’ai trouvé en lui un vrai partenaire”.
Chez El Al, Shamir préside à la privatisation de la compagnie nationale et Shaoul Mofaz, alors ministre de la Défense, l’approche pour diriger les industries aérospatiales d’Israël.
De 2005 à 2011, raconte Shamir, la compagnie est totalement remise à flot. “C’était une entreprise malade. Cela m’a pris six ans, mais je suis parti avec 1,7 milliard de dollars de capital.
Pas de dette et un chiffre d’affaires à la hausse. Mon plan était de faire entrer la société au Nasdaq, en 2012. Mais les ministres ne m’ont pas laissé rempiler pour un 3e mandat.
Je suis donc parti”.
Il est ensuite nommé à la Compagnie nationale des routes, responsable également des chemins de fer. Mais il est désormais tourné vers la politique.
En mai dernier, Liberman annonce que Shamir sera numéro 2 du parti pour les élections approchantes. Comme Premier ministre Binyamin Netanyahou et Kadima.
Pourquoi entrer en politique à présent ? “A l’âge de 67 ans”, répond-il, “soit on y va, soit on n’y va pas. J’ai décidé d’y aller.
Je pourrais être le premier politicien issu du monde des affaires et du secteur privé. Je pense que c’est mieux. Aujourd’hui, nous avons des professionnels de la politique qui oublient la raison de leur engagement”.
Membre d’une même famille Malgré l’histoire de sa famille au Likoud, sa décision de rejoindre Israël Beiteinou ne lui semble pas contradictoire.
“J’ai fait partie du Likoud, non pas en tant que membre du parti, mais j’ai intégré le bloc de droite”, dit-il avant de préciser : “Je ne m’identifie cependant pas avec l’aile la plus extrême”.
“J’ai toujours considéré Israël Beiteinou comme appartenant à ce bloc… et il faut aller là où c’est le plus efficace”.
Il cite également son amitié avec Liberman comme facteur de décision, même s’il ajoute avoir “de nombreux amis et partenaires au Likoud également”. Selon lui, Israël Beiteinou a été le porte-parole du Likoud au gouvernement. “La partie la plus stable de la coalition a toujours été Israël Beiteinou.
Je me vois donc comme membre d’une même famille. Ce n’est pas contradictoire”.
L’union de la formation russophone avec le parti de Bibi n’a pas fait que des heureux chez les électeurs traditionnels.
Mais pour Shamir, il s’agit d’une bonne décision. “C’est la première étape d’une importante réforme électorale et politique contre la tendance fragmentaire de la politique israélienne, qui mènera en fin de compte à la paralysie. En un sens, cela ressemble à la révolution qui a mis un terme aux 30 ans de pouvoir travailliste aux élections de 1977. Durant la campagne, plusieurs partis s’étaient unis en vue de former le Likoud, et c’est l’unité dans le camp nationaliste qui a permis la victoire. Je pense que nous allons avoir le même effet aujourd’hui”.
Et de rappeler que les deux factions ont partagé plusieurs de leurs membres, tels qu’Ouzi Landau. Danny Ayalon a servi de conseiller à la politique étrangère pour Netanyahou. Enfin, dit-il, de plus larges partis formeront des coalitions plus stables. “Nous devons aller vers moins de partis et des blocs plus vastes qui donneront à l’électeur un choix clair. Et également une vraie chance au gouvernement de faire progresser les réformes du système électoral, de l’enrôlement, etc. Par le passé, les électeurs donnaient leur voix à un parti puis, après le scrutin, les transactions coalitionnaires se faisaient sans eux. En proposant une liste commune bien avant l’élection, le public sera complètement au fait de ce que nous ferons si nous recevons un mandat électoral”.
Juif avant d’être israélien Quant à lui, il se verrait bien à plusieurs postes. “Je ne recherche pas le pouvoir”, assène-t-il. “Je voudrais un poste dans lequel je pourrai contribuer le plus efficacement possible, comme par exemple l’économie. Je connais le secteur, j’ai voyagé à l’étranger, dirigé une société en Chine, passé beaucoup de temps en Europe. Je me vois bien également dans les transports et l’éducation. Je prendrai des domaines que je connais”.
Il continue en fournissant un exemple concret.
“Aujourd’hui, je suis président de la Compagnie nationale des routes. Je dirige le projet d’une ligne ferroviaire entre Tel- Aviv et Eilat. Une gigantesque entreprise qui crée de nombreux emplois et mettra le Néguev à moins d’une heure de distance du Centre, et permettra d’éviter les interminables heures des routes, comme si on se rendait à l’étranger”.
Reste à savoir si son nom attirera les électeurs russes traditionnels d’Israël Beiteinou. Shamir n’est pas inquiet. Son père, dit-il, Premier ministre lorsque la grande aliya russe a eu lieu, est “l’homme qui a fait le choix de ramener les Russes et les Ethiopiens. Personne d’autre ne peut s’en targuer à ce point.
Dans les années 1970, lorsqu’il est retourné en politique, il s’est concentré sur le mouvement de ‘Laisse mon peuple partir’ (mouvement de libération des Juifs soviétiques).
L’aliya était son objectif”.
Le fils est lui aussi un fervent défenseur de l’émigration des Juifs en Terre d’Israël. “Nous sommes juifs avant d’être israéliens”, dit-il.
“La vraie vie juive a uniquement lieu en Israël. C’est pourquoi nous avons besoin de millions d’autres Juifs ici pour que cela reste encore vrai. Commençons par un autre million. Ceux que mon père a fait venir ont créé une fabuleuse dynamique.
L’aliya des Russes et des Ethiopiens a contribué à 60 à 70 % au changement économique. Elle est nécessaire pour survivre”.
Shamir constate de grands progrès dans la communauté éthiopienne arrivée en 1991. “Je me rappelle quand on a vu la première génération s’enrôler à l’armée, puis on a eu des officiers, d’autres ont été reçus à l’université. Il y a bien sûr des écarts, mais on voit que dans l’enseignement supérieur, leur présence est proportionnelle à leur pourcentage dans la société”.
Le fils spirituel de Ben Gourion Revenant au Néguev, le nouvel arrivé en politique reconnaît que la région souffre d’autres problèmes que celui de la distance, tels que des lourdeurs bureaucratiques qui ralentissent la construction de nouvelles communautés sur des terrains d’Etats et de nombreux villages bédouins construits illégalement. La solution, selon lui, viendra du secteur privé.
“Le secteur privé est le plus fort”, avance-t-il. “Quant au secteur public, soit il échoue, soit il tombe dans le piège de la corruption. On peut toujours rêver d’un grand gouvernement qui sera maître du désert, mais cela n’arriva pas. Nous ne sommes pas en Union soviétique, nous ne pouvons pas déplacer de force les populations. Les Israéliens viendront s’installer dans le Sud si cela sert leurs intérêts”.
Et comment rendre cela possible ? Très simple, répond-il.
“Il faut construire des infrastructures, des chemins de fer, des autoroutes. Il faut lancer des appels d’offres. Il existe des fermes privées dans le Néguev que la bureaucratie étouffe à petit feu. Il faut au contraire faciliter le marché privé. Au moins, vous avez aujourd’hui un hôtel digne de ce nom à Mitzpé Ramon, et c’est dû aux appels d’offres”.
Shamir continue en citant Binyamin Netanyahou. “Si on construit un train pour Eilat, une nouvelle ville se développera.
C’est une très bonne terre, on peut y faire des affaires et du tourisme, une fois réglée la question de l’accès”.
Quant aux obstacles rencontrés par les champs solaires et les nouvelles communautés, pour cet entrepreneur acharné, il ne fait pas de doute que les régulations gouvernementales sont à blâmer. “A l’origine, le pays n’avait qu’un seul parti.
C’était un avantage à l’époque, car un seul homme pouvait tout diriger. Il disait : “construisons une usine ici”. Mais c’est vite devenu le chaos et il n’y avait pas de directeur pour superviser.
L’Etat a commencé à céder à la corruption et alors de nouvelles lois ont fait leur apparition : c’est le gouvernement qui gère la terre. Ils ont créé beaucoup de régulations et de barrières pour pouvoir gérer la terre. Je le comprends”.
La force des nouveaux immigrants “Mais”, continue-t-il, “s’il y avait quelqu’un à la tête de tout cela, un vrai dirigeant, les choses pourraient changer en termes d’investissement dans les terrains. Il nous faut des ressources et de la détermination. Les obstacles sont nombreux”. Et de se rappeler avec amertume : “Rien que pour ce projet de train à Eilat, nous nous sommes brisé les reins.
C’est vraiment dur. Les gens pensent que la loi et les régulations peuvent tout régler, mais c’est faux”. La solution, insistet- il, consiste à “confier les rênes au privé”. “Par exemple, si vous me demandez qui, des Etats-Unis ou de l’Europe, se remettra le plus vite de la crise économique, je vous réponds les Etats-Unis. Parce que les Européens attendent leurs gouvernements”, lance-t-il.
Cette idée d’indépendance via la libre concurrence et un dur labeur fait intégralement partie de la vision de Shamir.
C’est pourquoi il a notamment cofondé Gvahim, une association destinée à soutenir l’intégration des nouveaux immigrants.
S’il croit profondément au potentiel des olim hadashim, c’est eux-mêmes, selon lui, qui doivent prendre conscience de leurs propres capacités.
“A Gvahim”, explique-t-il, “nous sélectionnons 40 à 45 personnes tous les deux mois. Ceux et celles qui ont les meilleures chances de réussir leur intégration (ils viennent des meilleures écoles et affichent des personnalités adéquates). On leur fait suivre une formation. La plupart sont jeunes et célibataires”.
L’association a également lancé un programme pour aider les entrepreneurs qui veulent fonder une start-up, mais ne sont pas familiers des lois et de la culture locale.
Les Etats-Unis, amis de toujours Pour ce qui est de la relation israélo-américaine, Shamir la définit comme “basée sur les mêmes valeurs”. Les Etats-Unis, analyse-t-il, “nous voyaient, dans le passé comme les nouveaux pionniers, à l’image de leurs pères fondateurs du Far West. Aujourd’hui, alors que les islamistes représentent de plus en plus une menace pour le monde libre, nous sommes encore davantage considérés comme des pionniers.
Et si nous devenons plus forts, nous serons admirés en tant que bâtisseurs de notre pays. Les administrations vont et viennent mais… fondamentalement, l’attitude des Américains envers nous ne change pas”.
Les raisons de ce soutien sont multiples selon lui. “C’est en partie parce que les fondateurs des Etats-Unis étaient des immigrants comme nous. En raison notamment de leurs croyances religieuses, ils voulaient créer un meilleur endroit que l’Europe dont ils étaient originaires. A leurs yeux, Israël est un symbole. La chrétienté américaine, en dehors de quelques églises extrémistes, considère que nous partageons les mêmes valeurs”.
Mais si cette base commune ne change pas, précise le candidat, “il y a des nuances. Plus ils sont persuadés que nous sommes autonomes, plus ils nous soutiennent. Ils veulent être nos amis, mais pas que nous dépendions d’eux. Plus nous serons indépendants, plus ils se montreront amicaux”.
Pour Shamir, en bon ingénieur, à tout problème sa solution pragmatique. En ce qui concerne le conflit avec les Palestiniens, il est plutôt pessimiste. “Je ne souhaite pas d’un Etat ‘pour tous les citoyens’”, assène-t-il. “Nous avons prié et imploré pour un Etat juif. Il doit le rester. Je ne veux pas le voir dilué. Dans le monde arabe, les groupes extrémistes ont la dragée haute, aucun leader de bon sens ne conclura un accord avec nous. Passer sa vie à espérer cela est idiot. Mon père avait l’habitude de dire : ‘La mer est la même mer et les Arabes sont les mêmes Arabes’. Nous devons donc bâtir un solide bateau pour ne pas couler”.
A ses yeux, les problèmes politiques en Judée et Samarie sont donc insolubles pour l’instant. Mais, à la place, il souhaite se concentrer sur “le renforcement interne de l’Etat.
Car, quoi que nous fassions en ce qui concerne les Palestiniens, cela ne nous aidera pas”.
Et de conclure par cette métaphore : “C’est comme la météo. On prend un parapluie le matin, on se construit des défenses et on se prépare. Mais le mauvais temps en soi, on n’y peut rien”.