EDITORIAL. Eric Zemmour, classé le plus souvent à l’extrême droite de l’échiquier politique français, envisage, selon les médias français, de se lancer dans la course à l’Elysée pour 2022. Même si ses chances de devenir Président sont très faibles, posons nous la question : est-il en phase avec Israël?
Eric Zemmour a soutenu que le maréchal Pétain avait « sauvé » les Juifs français. En Israël, où le souvenir de la Shoah est omniprésent, cela passe très mal. Il avait cité dans un livre Alain Michel, israélien qui a travaillé durant des années au Mémorial de la Shoah (Yad Vashem). Alain Michel montre qu’en dépit de l’antisémitisme de Pétain et de ses lois sur le statut des Juifs, la politique de Laval face à l’occupant nazi a permis à près de 90 % des Juifs ayant la nationalité française d’échapper à la déportation.
Cette thèse donne lieu à une vive polémique en France lors de la parution du Suicide français d’Éric Zemmour en 2014. Il est alors critiqué par Robert Paxton qui prétend qu’« Alain Michel n’est pas un historien sérieux : on ne peut pas écrire ce qu’il a écrit si on a lu les textes de Vichy et les ouvrages récents sur l’application de ces textes», ce à quoi Alain Michel répond qu’un « historien sérieux n’est pas là pour distribuer les bonnes et mauvaises notes aux autres chercheurs », et que Robert Paxton a lui-même fait « une série d’erreurs stupéfiantes » dans son interview donnée à Rue89.
En mars 2020, dans une lettre ouverte destinée à l’UEJF (Union des étudiants juifs de France), il dénonce le caractère scandaleux et inquisitoire du procès intenté par cette association à Eric Zemmour pour avoir affirmé que le gouvernement du Maréchal Pétain avait sauvé les Juifs français. Pour appuyer son propos il fait alors référence aux historiens Antoine Prost et Jean-Marc Berlière ainsi qu’à Léon Poliakov et Raul Hillberg qui, selon lui, ont affirmé la même chose en leur temps.
Eric Zemmour est totalement inconnu en Israël (ses livres n’ont pas été traduits en hébreu). C’était bien le cas pour Emmanuel Macron qui était, au moment du lancement de sa campagne présidentielle, un inconnu dans l’Etat Hébreu. (A savoir : la popularité de Emmanuel Macron reste excellente en Israël. Sa femme Brigitte a été souvent célébrée par les médias israéliens).
Eric Zemmour est issu d’une famille d’origine juive algérienne (Blida et Constantine) de nationalité française, arrivée en métropole durant la guerre d’Algérie. Il est « considéré comme un passeur d’idées d’extrême droite » par des historiens et la plupart des médias, bien qu’il se réclame lui-même de la tradition gaulliste et bonapartiste ». Sur le plan politique, sachant qu’Israël vote à droite actuellement, il est en phase avec les décideurs actuels.
Il est clair qu’Israël souhaite un candidat à la Présidence française, quel que soit le parti, qui puisse l’aider et le soutenir fermement face au danger mortel de l’Iran et au conflit avec les palestiniens. Il semble que Zemmour ai des idées sur le volet palestinien qui ne plaisent pas à beaucoup d’Israéliens au pouvoir actuellement.
Selon i24News : « Eric Zemmour a estimé sur le plateau de CNEWS que « les Palestiniens étaient les cocus de l’histoire » et qu’ils « n’auraient jamais de pays », suite à l’accord de paix annoncé entre les Emirats arabes unis et Israël. « Benyamin Netanyahou a renoncé à une annexion immédiate » de pans de la Cisjordanie, « mais cela fait 40 ans qu’ils annexent petit à petit. Ils ont rendu impossible l’établissement d’un Etat palestinien (…) il n’y a plus de continuité géographique », a-t-il ajouté. « Je pense que les Palestiniens ont perdu. Ils avaient réussi à imposer leur concept national mais ils n’ont jamais réussi à le matérialiser, ils ont perdu la bataille », a poursuivi le journaliste.
Derrière cet accord avec Abou Dhabi, Eric Zemmour a assuré que « la véritable alliance se faisait entre l’Arabie saoudite et Israël, contre l’Iran », parlant de » formidable renversement d’alliance ». « L’Iran domine le Moyen-Orient », à travers « ce fameux arc chiite – qui comprend la Syrie, l’Irak et le Liban. Téhéran ne veut pas renoncer à la bombe atomique, et l’Iran représente le plus grand rival de l’Arabie saoudite », a-t-il analysé. « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis », a-t-il résumé, en utilisant le fameux adage, alors que la République islamique représente l’ennemi commun d’Israël et de l’Arabie saoudite. Avec cet accord, « Donald Trump a fait de l’anti-Obama. » Le président américain « revient sur la position classique des États Unis, contrairement à Barack Obama qui tendait la main à l’Iran. »
Daniel Rouach (Cet éditorial n’engage que son auteur)
LE PLUS. L’Express.
Zemmour président ? L’Express a enquêté pendant trois mois sur cet objet de fantasme au sein de la droite et de l’extrême droite. Certains en rêvent, y pensent, y travaillent. L’auteur de Destin français les laisse faire. Mieux : il envisage désormais de se lancer dans la course à l’Elysée pour 2022. Notre récit inédit en intégralité.
Mercredi 20 janvier, sur le plateau de Paris Première. Eric Zemmour minaude, bras croisés et sourire aux lèvres. Il écoute un autre indéboulonnable du PAF, Alain Duhamel, expliquer pourquoi l’éditorialiste serait à ranger dans la catégorie des « présidentiables ».
Duhamel : « Eric Zemmour est à la fois un journaliste et un homme politique. Et comme homme public, il y a des gens qui souhaitent le voir à la présidentielle. Il va peut-être nous dire s’il le souhaite ou pas. »
Zemmour : « C’est pas ici et aujourd’hui que je vais le dire. » Anaïs Bouton, la présentatrice : « Vous ne dites pas non ? » Zemmour : « Ce n’est pas une réponse que je vais donner dès maintenant. »
La veille, sur le plateau de Face à l’info, sur CNews, le polémiste avait déjà joué au candidat, égrenant ses propositions pour doper la natalité française, une de ses marottes : préférence nationale pour les allocations familiales, suppression du droit du sol, aides ciblées sur les deuxième et troisième enfants – « pour ne plus financer les énormes familles de sept ou huit enfants, qui sont parfois polygames »… Depuis quelque temps, même ses amis se demandent à quoi joue l’essayiste de 62 ans, devenu polémiste et idéologue, qui réunit chaque soir près de 800 000 téléspectateurs. Cherche-t-il simplement à susciter le désir, ou envisage-t-il sérieusement de se jeter dans l’arène politique ?
Certains proches ont noté un changement, ces derniers mois, à mesure qu’approche l’élection présidentielle de 2022. Comme si la perspective de l’échéance reine de la vie politique française réveillait chez lui l’envie de mesurer sa légitimité dans les urnes.