La coopération sécuritaire, économique et commerciale Israël-Maroc sont les moteurs d’une entente discrète, qui s’est maintenue bon gré mal gré jusqu’à aujourd’hui. Les archives israéliennes font ainsi état de 37 millions de dollars d’échanges avec le Maroc en 2017, bien que les données officielles du côté marocain ne mentionnent pas Israël de leur côté.
Le Maroc a ainsi hébergé le premier investissement étranger israélien dans le monde arabe, avec la création par le géant israélien Netafim d’une filiale pour 3 millions de dollars en 2018 dans le pays. Ainsi, la Chambre de commerce France-Israël note que de nombreuses entreprises marocaines et israéliennes ont recours à des canaux commerciaux complexes pour opérer des transactions commerciales en toute opacité.
Les médias israéliens, de leur côté, signalent la signature d’accords commerciaux, transactions financières et accords de coopération avec les autorités marocaines et le secteur privé, allégations qui ont jusque là toujours été niées ou minimisées par le Royaume.
Cependant, les liens dans le domaine de l’agriculture, l’armée et la technologie existent depuis des décennies, mais aussi dans le tourisme : malgré l’absence de vols directs, entre 15 000 et 20 000 israéliens d’origine marocaine voyagent dans leur pays natal chaque année, disposant d’un visa à l’entrée sur le territoire marocain.
L’intensité des liens qu’ont conservé les israéliens du Maroc avec leur pays natal fait qu’on peut réellement parler d’une diaspora marocaine en Israël
La diaspora juive en Israël et dans le monde constitue un des piliers de la « politique juive » menée par le Royaume, notamment à travers le réseau des ambassades marocaines dans le monde qui organisent rencontres et évènements visant à raviver l’identité marocaine chez ces communautés, vues comme sujettes du roi à l’étranger.
La chercheuse Emmanuelle Trevisan-Semi a ainsi souligné la mise en scène de cette identité chez les juifs marocains en Israël, la monarchie faisant par ailleurs l’objet d’une véritable sacralisation. La multiplication des toponymies reliées au Maroc et à la royauté en Israël, les actes d’allégeance au roi Hassan II puis Mohamed VI, la réappropriation de la culture et de l’artisanat marocain et la menée de « voyages-pèlerinages » au Maroc sont autant de signes qui montrent la persistance de l’identité marocaine chez les juifs séfarades israéliens.
Les juifs originaires du Maroc, une fois leur aliyah effectuée, continuent à se sentir marocains et gardent leur nationalité, fait spécifique au Royaume qui entretient une relation forte et intime avec sa diaspora souvent bien plus fidèle à la monarchie que les communautés juives à l’intérieur du pays. De nombreux médias marocains se sont ainsi empressés de souligner la volonté des israéliens marocains d’investir dans leur pays une fois les relations économiques rétablies, nourrissant l’imaginaire d’une communauté nostalgique de son pays d’origine et enfin réunie avec celui-ci.
Dans le même sens, les médias proches du Palais ont mis en avant la profondeur de sa relation avec la communauté juive au sein même du Maroc, sous-entendant que la décision de renouer avec l’État d’Israël entrait en continuité avec le mandat de « protection des minorités » que s’est octroyée la monarchie chérifienne. On mentionne le titre de « juste parmi les justes » donné au roi Mohamed V alors qu’il avait résisté aux lois racistes du régime de Vichy, sauvant les 260 000 juifs du Royaume de la Shoah, mais aussi la Commanderie des Croyants, qui implique la protection des fidèles des trois monothéismes ainsi que la promotion du dialogue interreligieux au Maroc et dans le monde.
Malgré le nombre modeste de juifs restés au Maroc (entre 2000 et 3000, principalement concentrés à Casablanca), ceux-ci sont largement présents dans l’administration et la sphère gravitant autour du Palais.
Nomination d’un Ambassadeur itinérant pour les affaires juives, mention de l’héritage hébreu dans la Constitution de 2011, conseillers politiques et consultants (tel que André Azoulay), la partie juive de l’identité marocaine est régulièrement rappelée par le Royaume qui vise à affirmer ainsi la tolérance, le pluralisme et la modération, caractéristiques qui imprègnent le leadership chérifien.
Extrait d’un article initialement publié dans The Phoenix Daily