Les habitants de Chambon-sur-Lignon, village de 2 500 habitants dans la Haute-Loire,  ont appris que leur localité a reçu un legs de près de 2 millions d’euros de la part d’Erick Schwam, décédé à 90 ans, le 25 décembre 2020, près de Lyon.

C’est que Erick Schwam a voulu rendre hommage au lieu où il a vécu les années les plus cruciales de son existence. Juif autrichien, l’enfant a probablement été hébergé dans plusieurs familles du Chambon, puis il a étudié au fameux collège Cévenol. Ces quelques années, entre 1943 et 1949, ont décidé de son destin, surtout de sa survie, à l’époque où l’Allemagne nazie et ses collaborateurs traquaient les familles juives à travers l’Europe.

Symbole d’humanité résiliente, le Chambon-sur-Lignon a été désigné « Justes parmi les nations », par le mémorial Yad Vashem, en 1990. Distinction rare pour un lieu et ses habitants, partagée avec un village des Pays-Bas, pour rendre hommage au sauvetage de 2 500 juifs durant la seconde guerre mondiale. Familles, enfants, ont trouvé refuge sur les terres du plateau Vivarais-Lignon et, parmi eux, Erick, venu avec ses parents depuis l’Autriche envahie.

Les parents d’Erick ont dû fuir l’Autriche, peu après l’Anschluss, en 1938. Après un passage en Belgique, ils ont rejoint les camps du sud de la France, à Gurs (Pyrénées-Atlantiques), puis Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) avant d’arriver à Chambon-sur-Lignon le 7 février 1943, hébergé dans la maison Faïdoli, du nom d’un refuge du Secours suisse qui abritait une quarantaine d’enfants.

La mémoire locale dit que son père, médecin, disposait d’une loge à l’Opéra de Vienne, avant que l’Europe ne sombre dans la folie génocidaire. Un habitant du Puy-en-Velay, fils d’un couple d’instituteurs du Chambon, s’est souvenu d’un « enfant toujours triste et sombre » , qui arrivait en avance à l’école. Ses parents lui demandaient de jouer avec lui. Racontée en pointillé, l’histoire d’Erick Schwam rappelle la terreur des juifs déracinés et pourchassés. Et la pudique solidarité de ces terres protestantes, qu’ont fréquentées Albert Camus et Paul Ricœur.

En 1956, il a épousé Colette, Lyonnaise catholique, puis obtenu la nationalité française. Ce qui lui a valu le service militaire, en pleine guerre d’Algérie, d’où il est revenu avec le grade de lieutenant, selon son livret militaire. Le Viennois devenu Français a discrètement prospéré dans la pharmacie industrielle, dans une région en plein essor, berceau des premiers vaccins à grande échelle, sous l’impulsion de Charles Mérieux et il a travaillé au laboratoire Lipha, dont il est devenu directeur général adjoint en 1987. Il aurait contribué au développement du Glucophage, médicament contre le diabète. Il a épargné ses confortables revenus, par un modeste train de vie. Après le décès de son épouse en janvier 2020, sans enfants, Erick Schwam a rédigé un bref testament. Trois dons à des associations, et le solde de près de 2 millions d’euros cédés au village du Chambon-sur-Lignon, comme un juste retour des choses.

Source : Le Monde (résumé)

 

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