Le chirurgien qui a tenté de sauver Yitzhak Rabin lorsqu’il a été abattu lors d’un rassemblement pour la paix à Tel-Aviv en 1995, a parlé pour la première fois des événements de cette soirée, racontant les tentatives désespérées de réanimer le Premier ministre, le faible espoir qu’il survivrait et le moment dévastateur où il a dû déclarer sa mort.
« Plus le temps passe, plus l’ampleur de cette perte – pour moi en tout cas – ne fait que s’accentuer », a déclaré le professeur Joseph (Yossi) Klausner dans une interview diffusée mercredi sur la Douzième chaîne, à l’approche du 25e anniversaire de l’assassinat. « Ce sont des moments qui resteront avec moi tout au long de ma vie. »
L’extrémiste de droite Yigal Amir a abattu Rabin le 4 novembre 1995, à la fin d’un événement que le Premier ministre avait organisé à Tel-Aviv pour manifester le soutien de l’opinion publique à ses efforts de paix avec les Palestiniens.
Joseph Klausner, qui était alors à la tête du service de chirurgie à l’hôpital Ichilov, des fonctions qu’il occupait depuis l’âge de 39 ans, avait suivi le rassemblement à la télévision et écouté le discours de Rabin.
« J’étais alors en train de lire des documents médicaux. Je n’oublierai jamais l’appel téléphonique. Vers 22h02, mon adjoint, le Dr Motti Gutman, a téléphoné. Il a dit que nous [allions] soigner Rabin, il est gravement blessé, peut-être mort….Il a été blessé par balle », s’est remémoré le chirurgien.
Il s’est ensuite précipité à l’hôpital puis dans la salle d’opération, qui était remplie d’environ trois fois le nombre normal de personnes. « On a tenté désespérément de le réanimer. Les moniteurs montraient des ondes qui semblaient indiquer que son cœur fonctionnait, mais c’était parce que sa poitrine était ouverte et qu’on lui massait le cœur », a-t-il décrit.
« Pendant quelques minutes, l’écran montrait des signes de vie. Le cœur battait réellement et produisait même une certaine pression sanguine. Il y a eu quelques minutes comme ça qui ont donné un faible sentiment d’espoir… mais c’était artificiel, c’était simplement lié à nos efforts intenses pour le réanimer », s’est souvenu le chirurgien.
« Il était clair à ce stade qu’il n’y avait vraiment aucune chance de le sauver, mais nous avons continué à essayer. Il n’y avait aucune volonté d’abandonner. Personne de ceux qui avaient compris n’a eu le courage de déclarer [qu’il était mort] », a-t-il poursuivi. Il a confié qu’à 23h07, un peu plus d’une heure après avoir reçu ce premier appel téléphonique, il n’avait pas d’autre choix que de déclarer la mort du Premier ministre.
« J’ai dû me lever et dire à tout le monde que j’étais vraiment désolé, mais que nous devions annoncer sa mort. Parce que nous avions épuisé tous nos efforts. Je les ai remerciés. C’était un moment terrible. Un moment terrible. Je ne l’oublierai jamais », a-t-il décrit, ému.
« J’ai vu des gens – des chirurgiens, des anesthésistes, des gens des soins intensifs – s’effondrer par terre. Je n’ai jamais rien vu de tel. Des gens étendus sur le sol ; certains pleuraient à chaudes larmes. C’était un spectacle rare – je ne l’avais jamais vu avant, ni depuis », a-t-il souligné.
Prof. Klausner a raconté qu’il avait essayé de réconforter certains d’entre eux, mais qu’il avait aussi réalisé que des mesures pratiques devaient être prises face à un événement aussi important, notamment la signature du certificat de décès du Premier ministre.
« Je suis allé voir deux d’entre eux, j’ai posé une main sur une épaule, une tête – sans rien dire », a-t-il témoigné. « Quand vous êtes en service, vous ne pouvez pas vous laisser aller à cette situation… il y a des choses que vous devez faire ; vous devez rédiger les papiers ». Il a également participé à l’autopsie plus tard dans la nuit, quand on a découvert que l’assassin Yigal Amir avait utilisé des balles à pointe creuse pour maximiser les dégâts.
Mais le chirurgien a déclaré que même si la fusillade avait eu lieu aujourd’hui, avec toutes les avancées de la technologie et des techniques médicales depuis 1995, Rabin n’aurait toujours pas survécu. « Impossible », a-t-il dit. « Il n’avait pas la moindre chance. »
Même s’il avait eu un auxiliaire médical voyageant avec lui, capable d’administrer des soins instantanés, comme le fait le Premier ministre aujourd’hui, cela n’aurait fait aucune différence. « Avec le genre de dégâts qu’il a subis, il n’avait aucune chance », a réitéré Joseph Klausner.
Le chirurgien estime que 25 ans plus tard, l’importance de la perte de Rabin semblait encore plus criante. « Vingt-cinq ans ont passé, une génération entière… Plus le temps passe, plus on comprend la signification, l’ampleur de la perte », a-t-il déploré.
Source : timesofisrael.com