Plusieurs groupes de chercheurs, dont plusieurs israéliens, ont découvert un lien entre la voix et le coronavirus. Ils travaillent sur un moyen de détecter la présence du virus en écoutant simplement le patient parler. Cette hypothèse pourrait permettre, ensuite, le développement d’une application mobile visant à détecter, très rapidement, le Covid-19 chez les personnes.
Adieu les tests de dépistage du Covid-19 type PCR ou antigénique ? Plusieurs groupes de chercheurs travaillent sur une hypothèse qui pourrait révolutionner la méthode de détection du coronavirus.
Des symptômes dans la voix
Les chercheurs du laboratoire Lincoln du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont repéré des biomarqueurs spécifiques au Covid-19 dans la voix des patients asymptomatiques.
Les symptômes les plus fréquents du coronavirus sont une toux, des difficultés respiratoires ou encore une inflammation du système respiratoire.
Conséquence : l’intensité avec laquelle l’air est expiré lorsqu’une personne parle est impactée.
« Cet air interagit avec d’autres muscles potentiellement enflammés lors de son voyage vers la production de la parole.
Ces interactions ont un impact sur le volume, la hauteur, la stabilité et la résonance de la voix, des qualités mesurables qui forment la base des biomarqueurs », explique Thomas Quatieri, membre du groupe Santé humaine et systèmes de performance du MIT.
Afin de tester son hypothèse, il a, avec ses collègues, analysé sur Youtube des vidéos de célébrités et présentateurs télé ayant répondu à des interviews lorsqu’ils étaient infectés par le Covid-19.
Ils ont ensuite comparé ces fichiers audios avec des émissions tournées avant l’épidémie. Cela leur a permis d’extraire des caractéristiques vocales propres à la maladie.
Grâce à leurs observations, les scientifiques ont remarqué que l’inflammation au Covid-19 pouvait provoquer un couplage excessif des muscles impactant ainsi la voix des patients. Si ces modifications ne sont pas audibles à l’oreille humaine, des appareils pourraient être en mesure de les détecter.
Recours à l’intelligence artificielle
En Israël, la technologie, nommée HearO, a été développée par la société Cordio Medical.
Elle analyse des échantillons obtenus via une application smartphone et détecte, via des modulations de la voix, une détérioration due à de légères modifications des liquides pulmonaires.
HearO se focalise sur les symptômes liés aux maladies pulmonaires, qui sont particulièrement difficiles à suivre. L’essai permettra de surveiller 5 000 patients à différents stades symptomatiques et ce pendant 18 mois.
Ce système, initialement utilisé pour les patients atteints de pathologies cardiaques, a déjà fait ses preuves dans les essais cliniques de 10 établissements médicaux en Israël.
Un autre projet, mené par la start-up israélienne Vocalis Health, étudie la voix pour trier, dépister et surveiller les symptômes du Covid-19.
Des échantillons de voix sont recueillis auprès de patients hospitalisés, mais aussi de volontaires envoyant des données depuis leur domicile via une application smartphone.
Ils sont ensuite analysés à l’aide d’un algorithme basé sur l’intelligence artificielle afin d’identifier une « empreinte vocale unique » capable de déceler les symptômes de la maladie et détecter une détérioration de la santé des patients. L’expérimentation entamée fin mars devrait se terminer en décembre et a pour ambition d’inclure au moins 100 000 personnes.
Une application mobile
Porté par l’Union Européenne, le projet EAR (Audio-based Mobile Health Diagnostics), travaille sur une application mobile.
Grâce à cet outil, les scientifiques vont pouvoir élaborer des algorithmes. Ces derniers vont permettre de déterminer si une personne est atteinte du Covid-19, sur la base de sa voix, de sa toux et de sa respiration.
L’application recueille non seulement des échantillons de voix, de respiration et de toux, mais également des données démographiques de base ainsi que des informations liées aux antécédents médicaux des utilisateurs. L’outil leur demande aussi s’ils ont obtenu un résultat positif au test du coronavirus.
« Après avoir échangé avec des médecins, il est ressorti que l’un des facteurs les plus communs qu’ils ont observé chez les patients atteints du virus est la manière caractéristique dont ils reprennent leur souffle lorsqu’ils parlent, sans oublier une toux sèche et des pauses dans leur respiration », explique le professeur Cecilia Mascolo de l’Université de Cambridge, institution d’accueil du projet EAR.
Détecter d’autres maladies
L’idée de détecter certaines pathologies dans la voix n’est pas nouvelle. Des chercheurs se penchent, depuis de nombreuses années, sur une application mobile permettant de savoir si une personne est atteinte de la maladie d’Alzheimer.
Même si la technologie de diagnostic des formes de la parole doit encore être développée et reste à prouver, elle pourrait permettre de détecter rapidement la maladie d’Alzheimer, lorsqu’elle est encore facile à traiter.
En 2012, le mathématicien Max Little, de l’Institut technologique du Massachusetts (MIT), a imaginé, avec deux collègues de l’université britannique d’Oxford, un logiciel capable de déceler les infimes modifications de la voix qui seraient l’un des premiers signes de la maladie de Parkinson.
Comme pour l’étude israélienne, pour mettre au point son système, il a travaillé à partir des échantillons de voix de 50 personnes atteintes, enregistrées une fois par mois pendant une période de 6 mois, ainsi que de ceux de personnes en bonne santé ou présentant d’autres pathologies altérant le son de leurs cordes vocales.
De là, il a tiré un algorithme encore perfectible qui, lors des premiers tests, a permis de poser un « diagnostic » fiable à 86 %.
Source La dépêche