Une file de 30 hommes attendait pour la violer
On a appris la semaine dernière que dans la station balnéaire d’Eilat il s’est produit un événement semblable. Une jeune fille de 16 ans, pratiquement ivre morte, aurait été violée par plusieurs hommes (les chiffres varient entre 15 et 30). Une fois de plus, l’opinion publique a réagi avec horreur, d’autant plus qu’il a été rapporté que les hommes impliqués dans ce viol faisaient patiemment la queue en attendant leur tour et que personne n’est intervenu pour mettre fin au martyr que subissait la jeune fille. De plus, des discussions sur whatsapp d’hommes israéliens à la recherche de vidéos (cette fois également certains des coupables présumés avaient filmé les faits avec leur portable) ont fait le tour des réseaux sociaux. Peu après les faits, des milliers d’Israéliens ont manifesté contre les violences faites aux femmes. Ils ont d’ailleurs non seulement manifesté pour une approche plus professionnelle de la police envers les victimes (concernant les possibilités techniques pour le relevé des preuves, le pays des start up ne fait pas honneur à sa réputation) mais également pour un changement des mentalités.
En 2018, 1 166 viols sur un total de 6 220 cas d’agression sexuelle ont été signalés à la police pour une population d’environ 9 millions de personnes. Les viols collectifs comme à Eilat sont fort heureusement des exceptions. D’ailleurs, cette épouvantable histoire a été immédiatement dénoncée dans tout le pays. Le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, et le Président Rivlin eux-mêmes ont réagi sans tarder. Le Président Rivlin a écrit dans une lettre ouverte à la jeunesse du pays :
« Ce cas montre une disparition inexcusable des limites à ne pas franchir qui nous détruit en tant que société et en tant qu’êtres humains ». Mais on veut et on doit aussi trouver une explication à ce cas exceptionnel. De nombreux experts et journalistes se demandent ce qui a provoqué cette disparition des limites et dans quelle mesure il faut que la société israélienne change.
Le machisme est l’une des causes du problème
Pour Hans Joachim Schneider, spécialiste en psychologie criminelle, « Le concept du machisme des hommes, les stéréotypes concernant la féminité et le traitement des femmes comme objets utilitaires conduisent tout droit au viol collectif ». Le concept du machisme notamment est particulièrement répandu en Israël où la virilité, surtout dans les communautés orientales traditionnelles, reste définie de manière très archaïque, de même d’ailleurs que la féminité.
On trouve sur les réseaux sociaux de multiples récits de jeunes femmes se plaignant de harcèlement sexuel. Quand je suis arrivée en Israël, à l’âge de 26 ans, j’ai souvent hésité à aller seule à la plage car en tant que blonde ne parlant pratiquement pas l’hébreu je me faisais harceler en permanence et j’avais parfois du mal à me débarrasser des importuns. Au machisme très répandu dans le pays s’ajoutent, nous devons à la vérité de la dire, une certaine agressivité et une totale ignorance des règles relatives au respect de la sphère privée.
De plus, pour de larges couches de la population le politiquement correct est un mot inconnu, ce qui va de pair avec un manque de sensibilité pour les thèmes ayant trait aux minorités ou, dans le cas qui nous occupe, pour les femmes et le féminisme. Alors que le mouvement Metoo s’est répandu comme une traînée de poudre aux Etats-Unis et en Allemagne, il n’a pour ainsi dire pas fait de vagues en Israël.
Nous devons parler de l’éducation
Nous devons, évidemment, parler aussi de l’éducation. Pour la plupart des Israéliens, il est normal que les petits garçons ne pleurnichent pas et que les petites filles soient jolies. Une célèbre comptine est intitulée La plus jolie fille de la classe (et, pour rester dans les phénomènes culturels pop, rappelons que l’une des plages les plus connues de Tel-Aviv s’appelle encore aujourd’hui Plage des voyeurs en hommage à un film culte avec une scène de viol. En outre, dans la musique pop orientale de chanteurs comme Omer Adam et Eyal Golan (ce dernier a d’ailleurs été soupçonné à plusieurs reprises de relations sexuelles avec des mineures sans que cela nuise à sa popularité) on peut entendre des textes tels que : « Et tu étais belle comme une fleur que je n’avais pas le droit de cueillir, mais je voulais te cueillir, je voulais te cueillir ». Il ne reste plus qu’à espérer que l’affreux crime commis à Eilat va secouer les consciences et faire évoluer les principes éducatifs de nombreuses familles israéliennes. En effet, on peut enseigner jusqu’à plus soif aux jeunes filles à avoir confiance en elles et à se respecter, cela ne servira à rien si, dans le même temps, on continue à prêcher une virilité toxique et qu’on n’apprend pas aux garçons ce que veut dire vraiment une relation sexuelle librement consentie.
Autres informations :
Le viol collectif d’Eilat met en évidence la violence sexuelle en Israël (en anglais), themedialine
https://themedialine.org/by-region/gang-rape-of-teenager-in-eilat-sheds-light-on-sexual-violence-in-israel/