Catherine Dupeyron (Correspondante Les Echos à Jérusalem). En pleine crise économique, politique et sanitaire, le plus haut fonctionnaire du ministère des Finances, le directeur du Budget, a donné sa démission en dénonçant notamment la politique clientéliste du gouvernement et l’absence totale de planification à long terme.
Le plus haut fonctionnaire du ministère des Finances, le directeur du Budget, a donné sa démission. Et l’intéressé, Shaul Méridor, l’a fait de manière fracassante. Dans sa lettre de démission, il écrit : « Je ne peux pas prêter main-forte à la mauvaise conduite menée ces derniers mois, et dont tous les citoyens israéliens paieront un lourd tribut dans les années à venir. […] Chaque semaine, je suis horrifié de découvrir que le cadre budgétaire change sans aucune discussion professionnelle, sans réflexion ordonnée ou sans planification à long terme. »
Il dénonce aussi la création de réserves « pour offrir des budgets supplémentaires » au coup par coup, qui ne sont pas validés par le ministère. Pour le quotidien Maariv, « dans la situation actuelle, cette démission équivaut à celle d’un chef d’Etat-major en pleine guerre. » Israël Katz, le ministre des Finances et fidèle du Premier ministre Benyamin Netanyahu, a aussitôt répliqué que Shaul Meridor était animé par des « intérêts politiques étroits » et qu’il avait lui-même prévu de s’en séparer. Il est vrai que les hommes ont des relations tendues. En juillet, Shaul Méridor s’était opposé à l’aide allouée à tous les citoyens israéliens pour faire face à la crise – par exemple, chaque famille avec un enfant a touché 500 €. Une formule largement critiquée par les Israéliens eux-mêmes, les riches comme les pauvres, car appliquée sans distinction de revenus.
Une démission qui ne sera pas la dernière
Cette démission n’est pas la première – fin juillet, sans éclat, le comptable général de ce même ministère, Rony Hizkiyahou, avait annoncé son départ – et d’après la presse israélienne, elle n’est pas non plus la dernière.
Plus que jamais, Israël a besoin d’une bureaucratie publique professionnelle et forte. Le président de l’Etat, Reuven Rivlin et le ministre de la Défense, Benny Gantz, regrettent le départ de Shaul Méridor, un serviteur de l’Etat « dévoué » depuis de nombreuses années. « Plus que jamais, Israël a besoin d’une bureaucratie publique professionnelle et forte qui travaille avec l’échelon élu pour sauver le peuple et le pays de la grave crise qui a frappé le monde entier », a souligné le président israélien.
Contexte économique difficile
Cette démission intervient dans un contexte particulièrement difficile sur le plan économique, sanitaire et politique.
Le pays vit sans budget depuis début 2020 en raison des élections à répétition d’avril 2019 à mars 2020.
Le gouvernement d’Union nationale , finalement mis en place en mai dernier, n’a pas réussi à voter un budget ni pour le deuxième semestre 2020, ni pour 2021.
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Et ce n’est pas pour demain. La semaine dernière, la Knesseth a reculé la date butoir du vote du budget au 23 décembre, faute de quoi, le Parlement sera automatiquement dissous et le pays ira vers de nouvelles élections !
Sur le plan sanitaire, le pays enregistre plus de 2.000 nouveaux cas de Covid par jour – ce qui équivaut à 15.000 cas à l’échelle de la France. Et sur le plan politique, la colère gronde. Des manifestations réunissant des milliers de personnes ont lieu, chaque semaine depuis la mi-juillet dans de nombreuses villes. Nombre d’électeurs du Likoud ont rejoint les militants anti-Netanyahu. C’est le mouvement de contestation sociale le plus important et le plus long depuis l’été 2011.
Catherine Dupeyron (Copyrights). (Correspondante à Jérusalem)
Source Les Echos