Pierre Besnainou : « la nationalité israélienne à tous les juifs de la diaspora ». En Israël, la presse en hébreu a repris le texte ci-dessous.

L’épidémie de Coronavirus est un drame planétaire, un drame humain, un drame social, un drame économique. Il a frappé indifféremment tous les pays du Nord comme du Sud, riches ou pauvres, développés ou du tiers monde. Les conséquences sur les populations seront probablement différentes selon les pays et chacun aura à apprécier les décisions prises par leurs dirigeants.

Un sujet unique au monde se pose à Israël : le fondement du projet sioniste basé sur la loi du retour a été fortement ébranlé par cette crise. Les Israéliens étaient autorisés à venir en Israël même s’ils n’étaient pas résidents, mais les juifs de diaspora… NON !!!

Israël, pays des juifs, pays où les juifs du monde entier savent qu’ils pourront toujours se rendre s’ils se trouvaient en danger, n’acceptait pas qu’ils viennent se protéger pendant cette épidémie meurtrière.

Je me souviens du mois de juillet 2005 quand le Premier ministre Ariel Sharon appelait à l’Alyah des juifs de France à la suite de la montée de l’antisémitisme, certains avaient considéré son propos comme un outrage, une ingérence. Cela avait même provoqué un incident entre les deux pays.

Président du Congrès Juif Européen à cette époque, j’avais ouvert le débat des juifs en diaspora et, en particulier, le sujet si sensible de la double allégeance. Certains évoquaient une déchirure devant un unique choix, d’autres une double infidélité et qu’il fallait choisir. Notre sentiment d’appartenance au peuple d’Israël ne pouvait et ne devait se concrétiser que par l’Alyah puisque, depuis la création de l’État d’Israël en 1948, seuls les juifs qui s’installent en Israël obtiennent automatiquement la citoyenneté. Même si une grande majorité des juifs en diaspora ont deux amours, deux patries, celle où ils vivent et Israël, cette double gratitude finit par ressembler plus à une déchirure qu’à une harmonie.

Il faudrait que cette évidence psychologique devienne un fait administratif et une vérité politique. Si Israël est le pays de tous les juifs, pourquoi ne pas transformer cette double tendresse en un droit à la double nationalité sans exiger que l’on quitte son pays d’origine ?

Cette solution aurait un triple avantage :

  •  Le premier de ces avantages a trait à la relation entre les juifs en diaspora et le pays où ils vivent. Finies ainsi les accusations d’hypocrisie dans la solidarité trouble et dans la double allégeance. Un juif français est toujours suspect de choisir, entre sa nationalité et son origine. Un Américano-Israélien a une double nationalité, ce qui est plus simple, plus clair, plus limpide, toujours plus honnête qu’une double allégeance.
  • Le second de ces avantages tient à la relation entre les juifs en diaspora et leur nationalité. Cette solidarité, cette tendresse qui serrent le cœur des juifs attachés à Israël seraient enfin concrétisées dans un document officiel. Ce serait ainsi plus qu’un symbole.
  • Le troisième avantage concerne la relation des juifs en diaspora avec eux-mêmes. Lors d’un match de football, un juif anglais pourrait ainsi chanter avec autant de ferveur l’Hatikva et God Save the Queen, sans culpabilité ni justification, mais simplement avec fierté.

La double nationalité apporterait la clarté et la sérénité qui manquent souvent aux juifs en diaspora. Qu’il devienne facile pour ces juifs d’acquérir la nationalité israélienne sans que cela ne soit subordonné à l’Alyah est un sujet que j’ai eu le privilège d’évoquer avec le Premier ministre Ariel Sharon quelques jours avant son accident de santé. Je lui avais rappelé que le peuple juif avait survécu pendant des siècles autour d’un pilier unique, la synagogue, et qu’aujourd’hui, Israël en était devenu le second. Il manifesta un réel intérêt et nous avions convenu de continuer notre conversation mais malheureusement…

Sachant que le peuple juif va être confronté à de nouveaux défis, il en va de son unité que le nouveau gouvernement réaffirme les principes du sionisme en accordant la nationalité israélienne à tous les juifs qui le souhaitent.

Pierre Besnainou

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