Pour faire face à l’épidémie due au coronavirus, qui a fait 19 morts au Liban et mis le pays complètement à l’arrêt, exacerbant encore un peu plus la crise économique dans laquelle il est plongé, le Hezbollah, mouvement chiite pro-iranien a sorti les grands moyens. 1500 médecins et 3000 infirmiers et secouristes, mobilisés habituellement pour participer à la lutte contre Israël, ont été appelés à combattre le Covid-19. Un hôpital entier, deux centres de dépistage, trois structures de quarantaine et une flotte de vingt-cinq ambulances ont été mis à disposition des malades.
« Notre objectif est de soulager les hôpitaux publics et le gouvernement, a expliqué Hussein Fad lallah, responsable du Hezbollah pour la région de Beyrouth. Le niveau de préparation est le même que pour une guerre », a ajouté le cadre du mouvement, dont la branche militaire participe aux combats en Syrie, aux côtés des forces gouvernementales.
Dans la banlieue sud de la capitale et dans la partie méridionale du pays, des campagnes de désinfection des rues ont été organisées. Selon le quotidien libanais L’Orient-Le Jour, le Hezbollah, soucieux de ne pas être accusé de favoritisme, a mené des opérations semblables dans des villages chrétiens et dans des quartiers de Saïda, une ville à dominante sunnite.
Le secrétaire général du mouvement, Hassan Nasrallah, compare la bataille contre le coronavirus à « une guerre mondiale » et a jugé que « [leur] devoir religieux premier (…) consiste à préserver [leur] vie, celle des [leurs], celle de [leur] entourage et celle de [leur] peuple .
« Avec ces déclarations, qui ont sonné l’état d’urgence dans les régions chiites, Nasrallah a indubitablement sauvé des vies », reconnaît un acteur de la société civile. « La structure militaire du mouvement, très hiérarchisée, l’aide à gérer la crise ».
Mais le Parti de Dieu n’est pas la seule formation politique libanaise à lutter contre le virus et à vouloir le faire savoir. Le Courant patriotique libre (CPL), parti de droite chrétien dont est issu le président Michel Aoun, mais aussi son principal rival, les Forces libanaises, et le mouvement chiite Amal, du président du Parlement Nabih Berri, ont posté sur les réseaux sociaux des images vantant leur contribution : masques de protection produits par le parti, bidons de désinfectants frappés de son logo, patrouilles de stérilisation des rues, collectes de dons et distribution de nourriture, etc.
La crise sanitaire offre à tous les partis traditionnels une chance inespérée de raviver leurs réseaux clientélistes et avec le coronavirus, le Hezbollah a l’opportunité de démontrer à sa base qu’il la protège toujours et qu’en dépit des sanctions américaines contre l’Iran, son sponsor, il reste très puissant », analyse Sateh Noureddine, rédacteur en chef du site d’information Al-Modon.
Le sérieux dont fait preuve le nouvel exécutif dans la gestion de la crise (il a notamment fermé les écoles dès la fin février, ce qui a aidé à contenir la diffusion de l’épidémie) profite aussi au Hezbollah et à ses deux alliés, Amal et le CPL, qui le soutiennent au Parlement.
Ce rétablissement risque cependant d’être de courte durée. Les mesures d’austérité que le cabinet prépare pour endiguer la crise économique, portée à son paroxysme par le confinement généralisé du pays, pourraient réveiller la colère populaire. « Les gens ne sont pas dupes, observe le politiste Karim Emile Bitar. Le corona est un virus contre-révolutionnaire, sur lequel les partis politiques s’efforcent de surfer, mais qui pourrait les contaminer plus vite qu’ils ne le pensent. »
Source : Le Monde & Israël Valley