« Israël : les effets pervers d’une économie vouée aux start-up » par Jean-Pierre De La Rocque.
Bien sûr, personne ne remet en cause le « leadership digital » de ce pays de 21.000 kilomètres carrés (moins de deux fois l’Ile-de-France), connu pour être le berceau d’une bonne dizaine de licornes, sociétés dont la capitalisation atteint le milliard d’euros. Certes, Israël affiche de bons indicateurs économiques, avec 4 % de croissance en moyenne sur la dernière décennie et un taux de chômage de 4,3 %. Mais gare à l’effet d’optique.
Derrière ces chiffres se cache une économie de plus en plus duale avec ses effets pervers. D’un côté, la planète numérique peuplée de salariés ultra-qualifiés bénéficiant de rémunérations très au-dessus de la moyenne nationale. De l’autre, l’économie traditionnelle ultra-dépendante de la conjoncture locale, qui emploie 90 % de la population active et dont une partie ne profite absolument pas du miracle technologique.
Inégalités creusées
« Ce fossé s’est creusé dans d’autres pays, mais ici il est plus profond. Ces deux univers évoluent de manière autonome ou presque. Disons même qu’ils ne se parlent pas, ce qui est encore plus préoccupant », s’inquiète Eugène Kandel, directeur de la société Start-up Nation Central, une ONG spécialisée dans la mise en relation entre les jeunes entreprises israéliennes et les sociétés étrangères. « Cette situation est particulièrement malsaine pour la société israélienne. Il ne faudrait pas que les salariés favorisés des hautes technologies deviennent les boucs émissaires des Israéliens les moins bien lotis », surenchérit Emmanuel Navron, analyste politique du think tank Kohelet Policy Forum. Depuis quelque temps déjà, les riches start-uppers se voient accusés de contribuer à la flambée des prix de l’immobilier à Tel Aviv. »
Autrement dit, si la pression populaire se faisait encore plus forte, certains experts craignent de voir ces jeunes créateurs d’entreprise quitter le pays. Surtout si, dans un élan démagogique, le gouvernement israélien se décidait à revenir sur leurs avantages fiscaux. Rien de plus simple pour eux que de prendre la poudre d’escampette. Financées pour l’essentiel par les majors du capital-risque américain, les sociétés de la tech israélienne ont une clientèle essentiellement située à l’étranger. Tandis que leurs salariés dépendent, eux, du marché mondial de l’emploi.
Source : https://www.challenges.fr