Milieu nationaliste et religieux
Originaire de Los Angeles, portant une kippa tricotée grise sur la tête, Harow passe pour un homme intelligent et organisé. Un conseiller de l’ombre. Eduqué dans le milieu nationaliste religieux soutenant la colonisation des territoires palestiniens, soldat d’élite dans la Brigade Golani, une force combattante de pointe de Tsahal (l’armée israélienne), Ari Harow a fait sa carrière dans la mouvance de Benyamin Netanyahou en devenant son conseiller pour les relations extérieures en 2002, puis le directeur des American friends of the Likoud (2003-2006), une association d’ultra-conservateurs américains soutenant la cause du Grand Israël.
Discret, taiseux, Ari Harow a en tout cas été au centre du «système Netanyahou» puisqu’il s’est occupé du financement des campagnes électorales du Likoud ainsi que du train de vie de son leader et des membres de sa famille. Consécration suprême, il est devenu son directeur de cabinet entre 2014 et 2015.
Vente fictive de son cabinet de consulting
Ce faisant, l’Israélo-Américain aurait dû, comme le prescrit la législation de l’Etat hébreu, abandonner la gestion de son cabinet de consulting, H3 Global, créé en 2010. Mais il en a organisé la vente fictive tout en continuant à le diriger en sous-main. Parmi ses clients figurait notamment une entreprise high-tech israélienne qui voulait conclure un contrat à Madagascar et qui a versé 35 000 euros à H3 Global afin que Ari Harow arrange une rencontre entre le leader du Likoud, qui ne le souhaitait pas, et le président de l’île. Pourtant, celle-ci a bien eu lieu en juin 2014.
Lorsque le trafic d’influence d’Ari Harow a été découvert, celui-ci a démissionné de sa prestigieuse fonction de chef de cabinet pour attendre son inculpation. Et pour préparer le procès qui devait suivre. L’enjeu était en effet de taille puisque l’ex-wonderboy risquait quatre ans de prison et près de 200 000 euros d’amende.
Eviter un long séjour derrière les barreaux
C’est précisément parce qu’il a compris que la condamnation était inévitable, parce qu’il voulait s’éviter un long séjour derrière les barreaux qu’Ari Harow a proposé au parquet de devenir «témoin d’Etat». Donc de déballer tout ce qu’il sait sur son ancien patron et éventuellement sur d’autres figures du Likoud et du gouvernement moyennant un aménagement de son dossier pénal: six mois de travaux d’utilité sociale au lieu de quatre ans de détention.
Un coup dur pour le premier ministre, lequel maintient cependant que «les enquêteurs ne trouveront rien parce qu’il n’y a rien». Dans la même veine, lui et son entourage s’en prennent aux médias, qu’ils accusent de «pratiques bolcheviques débouchant sur un lynchage public». Depuis quatre jours, les chroniqueurs de Canal 20, une petite chaîne télévisée d’extrême droite défendant les intérêts des colons ainsi que la politique du gouvernement, se déchaînent d’ailleurs sur les «gauchistes de la presse qui ne se tiennent plus» et sur Ari Harow, qu’ils surnomment «Judas Iscariote».
Une défection dramatique
La défection de l’ex-directeur de cabinet est dramatique pour Benyamin Netanyahou car, si inculpation il y a – et c’est généralement le cas lorsque le parquet recrute un «témoin d’Etat» –, il devra présenter sa démission comme l’avait fait Ehoud Olmert en 2008. A l’époque, ce dernier avait par ailleurs été enfoncé par sa secrétaire particulière et femme de confiance, Shoula Zaken, également devenue «témoin d’Etat».
En règle générale, le parquet israélien n’accorde pas facilement ce statut. S’il l’a fait, c’est bien parce qu’Ari Harow détient des informations solides et vérifiables susceptibles de faire tomber le premier ministre. Signe de l’importance de son «retournement»: jeudi dernier, la police nationale israélienne (PNI) a demandé à la justice la publication d’un «gag ordre» (arrêt) interdisant aux médias locaux de diffuser la moindre information sur les révélations qu’il a commencé à faire sur son ancien patron ».