Lapid et Bennett, les enfants de la contestation de l’été 2011.
En 2011, la contestation est dans l’air du temps. En Tunisie, en Egypte, et dans d’autres pays de la région, le Printemps arabe a déjà commencé. Aux Etats-Unis, le mouvement Occupy Wall Street va bientôt démarrer. En Europe, ce sont les Indignés.
Et en Israël, c’est beaucoup plus pacifique. Pas de « dégagisme », ni de lutte anticapitaliste, mais un ras-le-bol qui gagne peu à peu les étudiants, les jeunes couples, les familles qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, qui vivent à découvert et qui s’aperçoivent avec surprise qu’ils sont tous dans la même galère.
Ce qui a débuté par un mouvement sur les réseaux sociaux pour protester contre le prix du fromage cottage, se développe peu à peu sur tous les postes de l’économie domestique, le prix du logement, l’endettement chronique, les frais de scolarité, tout y passe. Au début de l’été, ce sont des étudiants, qui ne trouvent pas d’appartement, qui commencent à camper sur l’avenue Rothschild à Tel Aviv, rejoints par des familles. Les manifestations démarrent à Tel Aviv pour se propager à de nombreuses villes du pays. C’est le rendez-vous du samedi soir, où l’on se retrouve autour d’un seul mot d’ordre : la justice sociale. On défile entre amis, en famille, souvent avec les bébés dans les poussettes, on chante. Des artistes viennent distraire et soutenir les manifestants. Le tout dans une atmosphère bon enfant, sans aucune violence.
On est loin des manifestations politiques des années 90 autour du processus de paix israélo-palestinien, et encore plus de la contestation des années 70 quand les Juifs orientaux protestaient contre la discrimination. Le mouvement de juillet 2011, lui, fédère tout le monde autour d’un problème commun, celui de la fin du mois qui commence le 2. C’est celui de la classe moyenne, qui travaille et qui construit sa vie, de Tel Aviv à Beer Sheva, en passant par Jérusalem et la Judée Samarie.
Deux hommes découvrent cette majorité jusque-là silencieuse et vont à la rencontre des manifestants. Le premier est le directeur général du Conseil des Implantations de Judée Samarie. Il s’appelle Naftali Bennett. Le second a le talk-show le plus suivi de la télévision israélienne et il est une star des médias, c’est Yaïr Lapid. Tous les deux pensent à la politique, même s’ils n’ont pas encore sauté le pas. Et tous les deux ont un terrain commun avec ces nouveaux contestataires. Pour Yaïr Lapid, ce sont ceux qui regardent ses émissions. Pour Naftali Bennett, ce sont les gens de sa génération, qui font encore leurs périodes de réserve militaire, qui travaillent dans le high-tech, ou en tout cas dans les secteurs qui portent l’économie israélienne. A l’époque, Bennett sera discrètement mais fermement poussé vers la sortie du Conseil des Implantations par une direction qui estime qu’il n’a pas à participer à un mouvement trop proche des laïcs de Tel Aviv. Et lui donne l’impulsion pour s’engager en politique. Lapid, lui se donnera encore quelques mois avant de fonder son parti.
Dix ans plus tard, ce sont bien deux figures de cet Israël de la classe moyenne active, l’une religieuse et l’autre laïque, qui se retrouvent ensemble à la tête du pays. Ce n’est pas une révolution qui est sortie de la contestation de juillet 2011. Mais un passage de relais à une génération israélienne qui se reconnait autour de l’avenir socio-économique de son pays. Sans renoncer au sionisme.
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Pascale Zonszain