Dans son rapport public annuel, le plus ancien des « Grands corps » de l’État pointe de nombreux dysfonctionnements sur la gestion de la crise sanitaire, au premier rang le secteur de la santé.
La Cour des comptes rend son verdict sur une année financière 2020 pas comme les autres en France. Si elle souligne la «forte capacité de mobilisation» des agents face à la soudaineté de la crise, ce qui a permis «une continuité du service», l’institution présidée par Pierre Moscovici note un manque d’anticipation de l’Etat, une impréparation qui s’est manifestée dans plusieurs domaines, surtout dans le domaine de la santé.
La juridiction relève que le secteur hospitalier a été « mal préparé à affronter la crise » et qu’aucun « plan adapté » n’a existé. La baisse des lits à l’hôpital ces dernières années, en particulier de réanimation depuis 2013, a entraîné une tension et une saturation alors que les entrées à l’hôpital on explosé au printemps 2020, notamment en réanimation.
La Cour des comptes note dans son rapport annuel : « Le nombre de lits n’a progressé que de 0,17% par an, soit 10 fois moins que les effectifs de personnes âgées qui représentent les deux tiers des malades hospitalisés dans ce secteur« . Remarquant que le « secteur privé lucratif » a été peu sollicité, la Cour des comptes note que parmi les conséquences, des « déprogrammations massives » ont été décidées. Selon l’institution, cette décision entraîne « un ralentissement considérable de l’activité hospitalière », dont l’impact « sur la santé publique, aujourd’hui inconnu, est potentiellement lourd ».
La Cour des comptes avertit que ce secteur « doit désormais être mieux armé ».
La Cour insiste aussi sur « les nombreuses incertitudes et imprécisions » lors du recensements des cas de Covid 19 et de lits d’hôpitaux, notamment de réanimation, pointant du doigt des dysfonctionnements informatiques. Pourtant, le nombre de malades du coronavirus et les lits disponibles sont des données essentielles pour la politique sanitaire nationale.
Dans l’enseignement, la continuité scolaire a pu être assurée «rapidement» grâce aux outils numériques, mais ceux-ci ont montré leurs limites, notamment pour les plus jeunes et pour ceux souffrant de handicaps. La Cour des comptes critique le manque d’«organisation collective» de cet enseignement à distance par les établissements.
Dans le secteur économique, la Cour des comptes salue la mise en place du fonds de solidarité pour les entreprises mais les versements n’ont pas été assez contrôlés et ce fonds repose, « pour la grande majorité des demandes d’aide », « sur des informations essentiellement déclaratives ». « Le fonds de solidarité étant cumulable avec les autres aides de l’État, celles des fonds de soutien régionaux voire de certains organismes de sécurité sociale, il est possible de verser un montant cumulé d’aides supérieur au préjudice subi« .
Entre mars et septembre 2020, la fraude est comprise entre 0,3% et 1,6% des aides distribuées, soit entre 20 et 100 millions d’euros. Mais selon le rapport annuel de la Cour, depuis l’automne 2020, le renforcement du fonds pour compenser les pertes d’exploitation d’entreprises plus grandes engendre « un risque de fraude significativement augmenté ».
Enfin, en dehors de la pandémie, la Cour des comptes s’interroge sur l’utilité des chambres de commerce et d’industrie, propose la fusion des chambres d’agriculture et demande à la SNCF de trouver des solutions après une perte de 5 milliards d’euros d’exploitation et une chute nette de 3 milliards d’euros en 2020. La Cour des comptes ne voit pas « de perspectives financières favorables pour les deux années à venir » pour l’entreprise publique.
Christophe Dard