La cérémonie d’investiture de la Knesset fait partie des rituels festifs de la démocratie israélienne. Un événement que l’on suit distraitement, comme une évidence. Mais lundi, l’investiture de la 23e Knesset, avait quelque chose de surréaliste. La salle de l’assemblée était rutilante. Des bouquets de fleurs de chaque côté de la tribune. Trois clairons en uniforme de parade ont fait retentir la sonnerie traditionnelle qui accompagne l’entrée du président de l’Etat et du président du parlement israéliens, suivis de la secrétaire de la Knesset. Face à eux, deux hommes, ruban à la boutonnière, Benyamin Netanyahou et Benny Gantz, prennent place et saluent Reuven Rivlin et Yuli Edelstein. Dans la tribune réservée au public, la présidente de la Cour Suprême, Esther Hayout. Et c’est tout.
Tout le reste de la salle est vide. Le président Rivlin prononce une brève allocution et s’adresse aux deux élus : donnez un gouvernement à ce peuple ! les exhorte-t-il. Puis c’est un enregistrement de la voix de David Ben Gourion qui résonne dans l’assemblée. Dans ce son d’archive, on entend le premier chef de gouvernement d’Israël lire la déclaration d’Indépendance. Tous les visages sont graves. Qui aurait pu imaginer, près de 72 ans après ce jour historique, où le peuple en liesse entendait la naissance de son Etat, que cet enregistrement résonnerait entre des murs vides ? Une sensation d’assister à une cérémonie fantôme et en même temps à la plus éclatante démonstration de résilience démocratique d’un Etat, conscient que son existence est un trésor à préserver.
Le Premier ministre sortant et le leader du parti centriste ont été les premiers à prêter serment, avant de quitter l’hémicycle, pour respecter la consigne de rassemblement maximum de dix personnes. Après eux, les autres députés sont entrés, trois par trois, prononcer leur serment et céder la place aux suivants, jusqu’à ce que tous les 120 élus aient été investis.
Ce moment entre parenthèses, a sans doute revêtu plus de gravité et de solennité qu’aucune autre cérémonie d’investiture, sauf peut-être celle de la première Knesset.
Mais c’est maintenant que l’épreuve commence. Benny Gantz a reçu du président le mandat de former le gouvernement. Le chef du parti centriste a environ un mois devant lui pour réunir une coalition qui obtienne la confiance du parlement. C’est en réalité la sixième tentative depuis le mois d’avril dernier. Entretemps, le pays a dû retourner deux fois aux urnes, sans parvenir à dégager de majorité. Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a été mis en examen pour corruption, et les tensions politiques, plus personnelles qu’idéologiques, ont conduit le système à la paralysie. Et pour couronner le tout, l’épidémie de coronavirus menace au moins autant l’économie que la santé du pays.
Les Israéliens, comme le reste du monde, attendent la fin de la pandémie, tout en sachant que le plus dur est encore à venir. Mais ils savent aussi que leur démocratie est forte. Il faut seulement que leurs élus se rappellent qu’elle leur a été confiée et qu’ils en portent la responsabilité.
Pascale Zonszain (Radio J)