Les israéliens ont suivi avec une très grande attention l’évolution du Bitcoin. La valeur de la cryptomonnaie a davantage progressé que l’or pendant la crise du Covid-19. Elle profite du «halving», soit la division par deux de la rémunération des producteurs de bitcoins, et des injections de liquidités des banques centrales.
Le bitcoin profite de la crise. La monnaie virtuelle a gagné 29% cette année, soit le triple de l’or. A 9300 dollars, son cours reste encore éloigné des 20 000 dollars atteints à la fin 2017. Mais il est train de regagner un statut de placement alternatif. Longtemps décriée par les banques centrales, dénoncée à cause de l’opacité d’une production à 60% en mains chinoises et après diverses affaires de blanchiment, la cryptomonnaie redevient fréquentable. Le bitcoin est-il un placement refuge? Une forme d’or numérique? Profite-t-il d’un facteur technique particulier?
Le cours du bitcoin est uniquement fonction du rapport entre l’offre et la demande. Il ne dépend pas du comportement d’une autorité centrale, comme une banque centrale. Sa forte hausse récente est, selon les experts, liée à un facteur qui touche l’offre, le halving, et à un autre qui concerne la demande et qui répond aux injections massives de liquidités des banques centrales.
Le «halving» contraint l’offre
Le terme halving (division par deux) fait référence à la réduction de moitié de la rémunération des mineurs, c’est-à-dire des producteurs de bitcoins. Après la création de 210 000 blocs, soit environ tous les quatre ans, le salaire des producteurs est réduit de moitié. Au lieu de recevoir 12,5 bitcoins, les mineurs, qui ont besoin de consommer beaucoup d’énergie pour faire fonctionner leurs serveurs, en recevront 6,25 pour leur service de validation des transactions. En 2008, lors du lancement de cet actif numérique, la rémunération atteignait 50 bitcoins.
Lors des deux précédents halvings, le cours de la monnaie virtuelle s’est littéralement envolé. Après celui de 2012, le rendement a atteint 2050% jusqu’en avril de l’année suivante. Et après celui de 2016, le cours a bondi de 3200% jusqu’à la fin 2017. «Il est peu vraisemblable qu’une telle hausse se répète cette fois», tempère Alain Kunz, membre du conseil d’administration de la société Obolus, spécialisée dans le conseil en cryptoactifs. Mais «l’opération de réduction de la récompense du mineur restreint l’offre, ce qui soutient le prix. Ce facteur n’est certainement pas entièrement anticipé», ajoute-t-il.
«L’investisseur serait naïf s’il se limitait à anticiper une répétition des deux précédentes divisions», confirme Laurent Kssis, directeur général de 21 Shares, un émetteur de certificats sur cryptomonnaies, à Zurich. Ce dernier pense que le marché a changé et que l’épargnant est mieux informé. Selon son scénario, le bitcoin devrait encore progresser jusqu’au 12 mai, avant d’entrer dans une phase plus volatile et probablement reculer quelques semaines ou quelques mois. «Mais la tendance du bitcoin est haussière à moyen et long terme», affirme-t-il toutefois.
Triplement du volume d’activité
«La restriction de l’offre, à travers le halving, contraste avec l’assouplissement monétaire (QE) mis en œuvre par les banques centrales pour augmenter l’offre de monnaie», indique Olga Feldmeier, directrice de Smart Valor, une plateforme d’investissement dans les cryptoactifs, à Zoug. Le nombre de bitcoins en circulation ne dépassera jamais 21 millions et celui des halvings est lui-même limité puisque la récompense des mineurs tombera progressivement vers 0. Les investisseurs ont anticipé l’événement, du moins en partie. En mars, «le volume d’affaires sur notre plateforme a triplé», déclare celle que l’on présente souvent comme la «reine du bitcoin» dans les médias spécialisés. Olga Feldmeier pense que le marché mettra un à deux ans à prendre en compte le phénomène. Elle s’attend à un cours de 100 000 dollars ces prochaines années.
Les investisseurs institutionnels sont désormais nettement plus présents dans les cryptomonnaies, selon la directrice générale de Smart Valor: «Il y a quelques années, le volume des transactions était identique les jours ouvrables et le week-end, alors qu’aujourd’hui il est nettement supérieur durant la semaine.» Le bitcoin est «l’or numérique», à son avis.
L’adoption croissante de la cryptomonnaie est le principal facteur de soutien, selon Alain Kunz. «Le nombre de portefeuilles contenant des bitcoins a augmenté de 24% dans le monde en un an», révèle-t-il. Malgré sa nouvelle hausse, le marché reste modeste, avec 170 milliards de dollars de capitalisation boursière. «Il n’est qu’une goutte d’eau par rapport à l’océan des injections de liquidités des banques centrales. Mais il a trouvé sa place auprès de l’investisseur en tant que protection du capital. Il a dépassé le stade des incertitudes liées aux cas de blanchiment», selon Laurent Kssis.
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