L’impact économique de la pandémie de coronavirus a été très violent aux États-Unis où la dette publique et privée, ainsi que le déficit budgétaire, dérapent totalement. De quoi faire peser un risque majeur sur la valeur du dollar? L’économiste Dany Lang livre son analyse à Sputnik. En Israël on reste persuadé que le dollar ne va pas s’effondrer.
Les économistes israéliens partagent le sentiment de Dany Lang qui ne voit pas «par quels mécanismes le dollar pourrait s’effondrer».
Selon Sputnik : « Les chiffres ont de quoi donner le tournis. Au 31 mars 2020, la dette totale des États-Unis (publique et privée) atteignait le montant faramineux de 77.610,594 milliards de dollars, soit 236,47 millions par habitant. Jamais l’Oncle Sam n’avait été aussi endetté. En lutte contre une pandémie de coronavirus qu’ils n’arrivent pas juguler, les États-Unis verront vraisemblablement ce chiffre gonfler encore davantage.
A l’instar de nombreux pays dans le monde, l’économie étasunienne a été très fortement impactée par la crise du Covid-19. Des millions d’Américains ont perdu leur emploi et le taux de chômage dépassait toujours les 11% en juin, alors qu’il était d’à peine 3,5% en janvier.
Le dollar, «devise de référence mondiale»
De très nombreuses entreprises et particuliers sont en difficulté pour payer leur loyer, l’assureur-crédit Coface a prédit une augmentation des défaillances d’entreprises de 43% d’ici 2021 par rapport à 2019 et le Produit intérieur brut (PIB) américain devrait chuter de 8% en 2020, selon le Fonds monétaire international (FMI).
Afin de faire face au désastre, le gouvernement ainsi que la Réserve fédérale américaine (FED) ont sorti l’artillerie lourde. La Banque centrale américaine, en plus d’avoir abaissé les taux entre 0 et 0,25%, fait tourner la planche à billets à plein régime pour soutenir l’économie. Résultat: entre mars et juin, son bilan est passé de moins de 3.500 milliards de dollars à plus de 7.000 milliards de dollars.
Quant à Donald Trump, il signait en mars dernier un plan de relance historique, d’un montant de 2.200 milliards de dollars. Washington travaille déjà à un second plan, alors qu’au 23 juillet, 76.500 nouveaux cas de Covid-19 ont été enregistrés aux États-Unis et 1.225 nouvelles victimes ont été à déplorer, portant le nombre total de morts à plus de 144.000.
Une telle orgie de liquidité est-elle de nature à faire peser un risque sur la valeur du dollar, comme le pensent certains observateurs? Ce n’est pas le cas de Dany Lang, économiste et maître de conférences habilité à diriger des recherches en économie à l’Université Paris XIII.
«Il faut garder à l’esprit que le dollar est une monnaie à part, car elle reste la devise de référence mondiale. Elle au sommet de la hiérarchie des monnaies», explique-t-il au micro de Sputnik.
Autre signe inquiétant, le déficit budgétaire américain a également explosé. Il a atteint 864 milliards de dollars en juin alors qu’il était de… 8 milliards de dollars à la même époque l’année dernière. Ce montant représente quatre fois celui du précédent record de février 2009, qui était de 234 milliards de dollars.
Le danger de la dette privée?
Selon Stephen Roach, économiste et ancien président de Morgan Stanley Asie, il existe un risque de chute de la valeur du dollar, comme il l’a expliqué dans un article publié dans Les Échos: «Contrairement à la croyance répandue selon laquelle les déficits budgétaires n’ont pas d’importance, puisque les taux d’intérêt proches de zéro tempèrent l’augmentation des coûts du service de la dette, il n’existe ni “argent magique” ni “free lunch”. L’épargne intérieure, déjà déprimée, s’enfonce profondément en territoire négatif. Cela devrait entraîner un déficit record de la balance courante et une chute démesurée de la valeur du dollar.»
Au rebours de ce sombre pronostic, Dany Lang ne voit pas «par quels mécanismes le dollar pourrait s’effondrer».
«La dette publique américaine est la plus sûre du monde, car elle est garantie par la FED. C’est une Banque centrale très crédible, y compris auprès des marchés financiers et je ne vois pas pourquoi elle perdrait sa crédibilité de jour au lendemain.»
D’après lui, le plus grand risque qui pèse sur l’économie américaine est bien le montant de la dette privée. En février dernier, juste avant que la crise du coronavirus batte son plein, Les Échos soulignaient notamment le montant colossal de l’endettement des ménages américains: «L’encours de la dette des ménages américains a terminé l’année 2019 sur un nouveau sommet, selon les chiffres publiés par la Fed de New York. Selon ces données, entre le troisième et le quatrième trimestre de l’année écoulée, elle a augmenté de 1,4% pour atteindre 14.150 milliards de dollars. Enregistrant ainsi son 22e trimestre de hausse d’affilée.» Sans parler de la dette des entreprises qui atteignait près de 10.000 milliards de dollars en janvier soit l’équivalent de 47% du PIB américain.
Ces chiffres sont de nature à poser problème pour Dany Lang: «La dette privée américaine est préoccupante et peut être un élément qui participe à l’émergence d’une nouvelle crise financière. Beaucoup de commentateurs sont obsédés par la dette publique, mais ce n’est pas cette dernière qui est à l’origine des crises financières, mais bien la dette privée.» (Sputnik)