Eviatar Matania, ancien patron de la cybersécurité israélienne, fondateur et directeur général de l’INCB (Israel National Cyber Bureau) de 2012 à 2018 a accordé au magazine « l’Obs » une interview où il évoque a cyberguerre du futur ?
Israël est bien placée pour parler de ce domaine puisqu’il s’est taillé, avec ses moyens, une place de choix sur le marché ultrastratégique de la cyberdéfense. Le pays où fut inventé le pare-feu informatique (en 1994) et qui compte plus de 400 entreprises spécialisées (13 % du marché mondial en s’appuyant sur un écosystème global regroupant petites et grandes entreprises, gouvernement (avec notamment l’unité d’élite « 8200 ») et monde académique.
- Matania pense que le « cyber » sera une composante de plus en plus importante des futurs conflits, mais qu’il n’en restera qu’un élément parmi d’autres. Toutes les armes conventionnelles se combineront avec le cyber pour donner naissance à des versions améliorées d’elles-mêmes – véhicules autonomes, missiles ultrarapides et ultraprécis…
La spécificité des armes « cyber », réside dans le fait qu’elles sont – aussi – des armes de temps de paix, dans une zone grise entre la paix et la guerre. Ce n’est pas étranger au fait qu’elles ne soient pas concernées par les lois internationales.
Autre point important, il ne faut pas se contenter de défendre les réseaux informatiques, il faut aussi défendre les processus électoraux et la gestion générale des données. Si la RGPD (Règlement général sur la Protection des Données) mis en place en Europe est un progrès, il peut être trop protecteur et limitatif et surtout, la protection des données n’est pas une question de défense nationale. De même, le « cyber » n’est pas simplement une question de sécurité : c’est une course à la domination mondiale qui est celle de l’information et elle se mène autour des données.
La question de la cybersécurité est un enjeu global qui ne doit pas être confiée à un seul ministère. C’est pourquoi, en Israël, il a été décidé au début de la décennie de bâtir un écosystème global de cyberdéfense, regroupant gouvernement, universités, grandes entreprises, start-up et chercheurs. La célèbre unité de renseignement « 8200 » recrute massivement les meilleurs jeunes hackers du pays et a joué un grand rôle dans le développement de la cyberdéfense israélienne…
Pour sa part, le cyberterrorisme est un sujet qu’Israël suit de très près. E. Matania pense qu’il pourrait devenir une vraie menace dans un horizon de cinq à dix ans, et causer des dégâts bien plus lourds qu’aujourd’hui. A ce moment-là, les sociétés seront encore plus numérisées qu’elles ne le sont aujourd’hui, et cette dépendance aura pour conséquence que la moindre infrastructure connectée pourra se transformer en cible. Il reviendra à chaque pays de définir soigneusement quelles sont ses infrastructures critiques, celles qui ne peuvent pas être remplacées manuellement en cas de cyberattaque, car il sera probablement impossible de tout protéger en même temps.
Résumé d’israël Valley. Pour lire l’article complet, site de l’Obs