En comparaison internationale ces chiffres restent toutefois modestes. Le bureau de transfert de technologies de Stanford affiche 45,4 millions de dollars de revenus de licence (certes sur une période de 38 ans). Yeda, celui de l’Institut Weizmann à Jérusalem, est à l’origine de 73 entreprises dont les revenus cumulés atteignent 28 milliards de dollars. Or ces deux institutions sont nettement plus petites que l’Université de Genève.
Le rôle clé des étudiants
Unitec a donc invité Mary Albertson, directrice associée du bureau des licences technologiques (OTL) de l’Université de Stanford et Gil Granot-Mayer son homologue pour l’Institut Weizmann afin qu’ils expliquent leurs modes de fonctionnement. Le Président émérite de l’EPFL, Patrick Aebischer ainsi qu’Antoine Geissbühler, le directeur de la transformation digitale de l’Université de Genève, sont ensuite revenus avec eux sur certains éléments clés qui ont fait de ces institutions le moteur de respectivement la Silicon Valley et du versant biotechnologique de la start-up nation israélienne. L’idée était bien sûr de voir ce qui pourrait inspirer Unitec et au-delà le cluster technologique de l’arc lémanique.
Mary Albertson a ainsi expliqué que Frederick Terman et Wallace Sterling, respectivement le recteur de l’école d’ingénieur et le président de Stanford à l’origine de la Silicon Valley, ne se sont pas contentés de constituer un pool de talents en attirant les meilleurs professeurs puis étudiants à partir des années 50. «Ils les ont encouragé à interagir avec les entreprises notamment en facilitant les mandats de conseil.»
Elle a aussi insisté sur le rôle primordial des étudiants dans le transfert de technologie. « C’est l’axe principal du transfert loin devant les licences. Un tiers des professeurs et des étudiants de Stanford sont entrepreneurs », explique-t-elle, précisant que «l’enseignement de l’entreprenariat à Stanford se fait au travers de 43 programmes différents.» L’Université américaine facilite aussi le retour aux études des professionnels. Eux viennent souvent chercher dans les labos de Stanford une innovation à commercialiser. Enfin, Stanford dispose de son propre fonds de capital-risque pour investir dans les start-up des étudiants.
Le modèle Yeda
Pour Gil Granot-Mayer, les atouts de l’Institut Weizmann reposent d’abord sur la qualité de la science qui y est développée. Fondée en 1959, Yeda, l’organe en charge du transfert de technologies a l’avantage d’être une entreprise privée. Il gère l’ensemble des relations entre l’institut et les entreprises. Son approche est d’ailleurs jugée si efficace que plusieurs anciens directeurs de Yeda ont été recrutés par des universités américaines comme Harvard ou UCLA pour gérer leurs transferts de technologies.
Les résultats de ces politiques sont spectaculaires. Le parc industriel de Stanford compte aujourd’hui 150 entreprises employant 25 000 personnes. Et au-delà, ce ne sont pas moins de 40 000 entreprises qui s’enracinent dans Stanford soit 5,4 millions d’emplois et 2700 milliards de revenus annuels. Yeda de son côté peut s’enorgueillir d’être largement à l’origine du secteur des biotechnologies en Israël en dépit que le pays n’avait pas d’industrie pharmaceutique.
Pour autant, l’arc lémanique n’a pas à rougir de ses résultats. D’abord parce qu’en termes scientifiques, il fait lui aussi partie du top mondial. Les innovations récompensées à l’occasion de la conférence Innovation Ecosystems en témoignent: anticorps monoclonaux de Novimmune et informatique quantique d’ID Quantique il y a 20 ans ; patchs à base de cellule-souche et batteries au sodium aujourd’hui. L’avance scientifique est là. Le relais des start-up se fait.
Antoine Geissbühler et Patrick Aebischer observent ainsi qu’en 20 ans l’arc lémanique a connu un profond changement de culture qui a vu la montée en puissance du transfert des technologies inventées dans les universités et des start-up. «Ce qu’il manque encore c’est un pool de talents entrepreneurial», analyse Patrick Aebischer. Lui suggère un «returning program » afin que ceux qui ont percé aux Etats-Unis puissent revenir facilement en Suisse afin d’y prendre des postes clés dans les start-up.
On ne parle pas ici que des entrepreneurs mais de véritables équipes. Mary Albertson confie ainsi que son office qui n’alimente en transfert de technologie qu’une vingtaine de start-up par an n’accepte de le faire que s’il a une équipe entrepreneuriale solide en face. Et il n’hésite pas non plus à les mettre en concurrence avec des licences qui ne sont pas exclusives.