Jérusalem présente, tous les deux ans, une biennale de l’art. Elle se déroule cette année depuis le 1er octobre et jusqu’au 16 novembre. Son principe: des artistes du monde entier exposent dans différents endroits de la ville, permettant grâce à un forfait unique, de profiter pendant plusieurs semaines d’œuvres d’art en parcourant les rues de notre capitale. Son originalité: la Biennale de Jérusalem se trouve à la croisée des chemins entre art contemporain et monde juif. Un programme qui se décline sous plusieurs formes. Une de ces expositions a retenu encore davantage notre attention: Pop-tho-dox, du pop art haredi, intitulée « Black Humour ».
Parler du monde haredi, par l’art et par ceux qui y vivent
La conservatrice de cette exposition Noa Cohn, elle-même issue d’un milieu religieux mais plutôt sioniste religieux, écrit une thèse sur les artistes qui ont fait Techouva, un retour vers la religion. Il y a trois ans, elle rejoint une galerie d’art, tout à fait originale, située dans un quartier religieux de Jérusalem: »Cette galerie est un point de rencontres entre des artistes du monde orthodoxe, dans lequel on parle leur langue, on les comprend, ils s’y sentent à la maison et prennent des forces pour développer leur art », résume Noa. Cette galerie (Hamiklat Leoumanout, l’abri pour l’art), unique au monde a été créée en 2003 par des artistes qui se sont rapprochés de la religion.
Orthodoxie et art ne font pas vraiment bon ménage, en général, comment ces artistes vivent-ils leur art et leur rapport avec leur entourage? Certains des artistes qui exposent à la Biennale n’auront pas le bonheur de montrer leur art à leur famille, qui refuse de venir, une autre doit prendre un pseudo pour se livrer à son activité. Mais Noa se veut rassurante: »Certes, il y a encore beaucoup de barrières entre le monde orthodoxe et le monde artistique. Mais l’ouverture est palpable: on compte de plus en plus d’écoles d’art et de graphisme dans le monde haredi. Si elles demeurent plus fréquentées par des filles que par des garçons, il est clair qu’un tabou est en train de tomber. D’ailleurs, parmi les artistes que j’expose, il y en a qui sont soutenus par leur entourage dans leur démarche ».
Pop-tho-dox: qu’est-ce que c’est?
»J’ai choisi de donner ce nom à l’exposition pour signifier qu’il s’agit d’un mélange de pop art et du monde orthodoxe. Les artistes ne prétendent pas représenter le public orthodoxe mais veulent refléter ce qu’il s’y passe. Le monde haredi est beaucoup plus nuancé que ce que l’on croit et ces artistes nous le montrent ». Ainsi, une photographie montrant une rangée d’hommes dont un avec des chaussettes oranges (!) comme symbole de cette diversité. Ou encore une variété d’artistes parmi les 16 qui exposeront, dont quatre américains et deux français, qui sont représentatifs aussi de tous les types de haredim: du hozer bitchouva au fils d’Admour.
Les artistes français méritent que nous nous y attardions. Le premier s’est déjà fait un nom en Israël, il s’agit de Dan Groover. »Le premier à faire du Street Art Haredi », souligne Noa, »il se place dans les rues orthodoxes et crée ses œuvres avec le public. Du jamais vu, c’est très émouvant! ». Le second, Ilan Atlan, est un olé hadash de fraîche date, puisqu’il n’est en Israël que depuis trois mois: »Il a entendu parler de la galerie, c’est ce qui lui a permis de se retrouver si vite dans son monde et d’exposer déjà lors de cette biennale ». Pour Sarah SaHaD, directrice artistique d’Art’Drenaline, ces artistes français ont une vraie valeur ajoutée: »ils sont la preuve que l’on peut, naturellement et sans contradiction, appartenir au monde orthodoxe et au monde de l’art simultanément ».
« Finalement, tous ces artistes parlent la même langue « , résume Noa Cohn, »ils utilisent les objets religieux, de leur vie quotidienne et en font des objets de pop art. Ils sont fiers de montrer leur monde, les œuvres témoignent parfois d’une critique, mais toujours de respect et d’amour ».
Source : lphinfo.com