Alexandre Mirlicourtois (Xerfi)

Directeur de la conjoncture et de la prévision

Alors que les grandes puissances patinent, une nouvelle génération d’économies affiche une vitalité exceptionnelle et redéfinit la géographie du dynamisme mondial.

En tête, l’Inde enregistrera encore cette année la plus forte croissance parmi les grandes économies. Hors parenthèse « Covid », elle surpasse la Chine depuis 2014, et cet avantage devrait perdurer. Deux principaux moteurs. Sa démographie dynamique : l’Inde a ravi à la Chine le titre de pays le plus peuplé du monde et sa main-d’œuvre est jeune et en expansion. Le second, sa productivité en hausse, soutenue par d’importants investissements dans les infrastructures et le numérique. Devenue un véritable empire digital, le pays s’appuie sur un écosystème technologique qui irrigue toute son économie.

L’Indonésie capitalise sur sa jeunesse et ses ressources

À quelques milliers de kilomètres de là, l’Indonésie s’affirme comme une puissance montante et dispose de tous les atouts pour devenir un géant économique régional. Sa croissance, comme celle de l’Inde, s’appuie largement sur le dividende démographique. Avec près de 285 millions d’habitants, l’Indonésie est le 4? pays le plus peuplé du monde. Sa population, jeune et dynamique, constitue un formidable levier de croissance : les 15-64 ans représentent près de sept habitants sur dix et 2,3 millions de jeunes en âge de travailler supplémentaires arrivent en moyenne chaque année.

Leader mondial du nickel et dotée de vastes réserves de cuivre, de charbon et de bauxite, elle a fait de la richesse de ses sous-sols un moteur de développement en imposant la transformation locale des minerais, pour attirer capitaux et technologies et développer d’autres branches d’activité. Malgré le recul de son secteur pétrolier, l’archipel s’appuie sur ses exportations, un marché intérieur dynamique, le tourisme et une main-d’œuvre compétitive pour consolider sa place parmi les économies émergentes. Ce réservoir humain, mieux valorisé, se traduit par une hausse annuelle de 3,2% du PIB par actif et une richesse par habitant multipliée par 2,5 depuis le début des années 2000.

Le Vietnam, un hub de production mondial

Toujours en Asie, le Vietnam est l’un des grands gagnants de la mondialisation. Longtemps discrète et limitée au textile-habillement, l’industrie vietnamienne est devenue un hub de production — plus précisément d’assemblage — sous contrôle de capitaux étrangers, pour des produits destinés aux pays occidentaux.

Pour cela, le pays s’appuie sur un afflux massif d’investissements, une démographie favorable avec 55 millions d’actifs potentiels de plus en plus qualifiés, un coût du travail très compétitif, des coûts de production avantageux et un rôle stratégique dans les chaînes de valeur. Résultat, les exportations se sont envolées et frôlent désormais 450 milliards de dollars par an. Cela se voit aussi dans la progression ultra-rapide du PIB par habitant, multiplié par près de 4 depuis la fin des années 1990.

Le Mexique, moteur industriel de l’Amérique

De son côté, le Mexique s’impose comme la plateforme industrielle incontournable du continent américain, tirant parti de sa proximité avec les États-Unis, des accords de libre-échange régionaux et d’une main-d’œuvre abondante, qualifiée et ultra-compétitive. Ces atouts ont fait du pays un aimant à investissements étrangers.

Mais avec 81% de ses exportations tournées vers les États-Unis et un excédent de 172 milliards de dollars, il se retrouve dans le viseur de Donald Trump. Si le « made in Mexico » dope la croissance, les géants américains installés le long de la frontière — General Motors, Ford, IBM, Coca-Cola, PepsiCo, Procter & Gamble, Unilever — sont également très dépendants de leurs filiales mexicaines. Certains semblent l’avoir oublié ; ils pourraient bientôt être rappelés à l’ordre.

L’Arabie saoudite, la mutation d’un royaume pétrolier

L’Arabie saoudite, elle, ne fait pas encore partie du club, mais s’impose comme un nouveau prétendant grâce au plan Vision 2030. Lancé en 2016, il vise à bâtir un avenir « hors pétrole » pour le Royaume, en le faisant évoluer d’un modèle rentier vers un capitalisme d’État diversifié.

Le monde se décentre : le moteur de la croissance mondiale ne se trouve plus à Washington, Pékin ou Berlin, mais à New Delhi, Jakarta ou Riyad. L’économie mondiale change de centre de gravité.

Partager :