Une expérience israélienne sur des bactéries en route vers la Station spatiale internationale
L’hôpital Sheba étudie l’effet de l’espace sur la virulence bactérienne et la résistance aux antibiotiques, pour mieux comprendre la santé des astronautes et les maladies infectieuses
Des chercheurs du Centre d’innovation et du laboratoire de recherche sur les maladies infectieuses de l’hôpital Sheba ont envoyé, jeudi, une expérience scientifique inédite à bord de la Station spatiale internationale (ISS).
Ce projet vise à étudier l’influence des conditions spatiales – notamment la microgravité – sur la virulence bactérienne et la résistance aux antibiotiques, afin de mieux comprendre les risques sanitaires pour les astronautes et les mécanismes des maladies infectieuses.
La mission conjointe de la NASA et de SpaceX a été lancée depuis le Centre spatial Kennedy de la NASA en Floride à 12 h 9 heure locale (19 h 9 heure israélienne) dans le cadre de la mission Crew-11.
Conçue en collaboration avec la société américaine SpaceTango, spécialisée dans la technologie spatiale, l’expérience consistera à cultiver plusieurs espèces bactériennes à bord de l’ISS. Des échantillons identiques seront cultivés en parallèle sur Terre afin de servir de groupe témoin.
L’étude vise à cartographier de manière systématique les effets du vol spatial sur l’expression génétique de bactéries pathogènes humaines. Une fois cultivées en orbite, les bactéries seront congelées à -80 °C et renvoyées sur Terre pour être analysées.
« Nous savons que les conditions spatiales affectent le comportement des bactéries, et plus particulièrement leur croissance, leur expression génétique et l’acquisition de caractéristiques telles que la résistance aux antibiotiques ou la virulence », a expliqué le professeur Ohad Gal-Mor, directeur du laboratoire de recherche sur les maladies infectieuses à Sheba.
Des risques sanitaires accrus dans l’espace
Les astronautes en mission longue durée sont plus vulnérables aux infections. Leur système immunitaire peut être affaibli par la microgravité, les rayonnements cosmiques et le stress psychologique lié à l’isolement.
Les bactéries se comportent différemment dans l’espace. Elles peuvent se multiplier plus rapidement ou acquérir des caractéristiques inédites, ce qui soulève d’importantes préoccupations sanitaires. C’est pourquoi, selon les chercheurs, la microbiologie spatiale joue un rôle clé, tant pour la préparation des futures missions que pour les progrès de la médecine en général.
Cette première expérience permettra aux scientifiques de « cartographier de manière systématique et moléculaire l’évolution du profil d’expression génétique de plusieurs bactéries pathogènes en microgravité », a expliqué Gal-Mor. « Les connaissances que nous acquerrons nous aideront à mieux anticiper les risques infectieux lors de vols spatiaux, tout en approfondissant notre compréhension des mécanismes génétiques et physiologiques des bactéries. »
Il s’agit de la première expérience menée à bord de l’ISS par le Space Lab, le laboratoire spatial du Centre d’innovation ARC de Sheba, bien que ce ne soit pas la première menée dans l’espace. Une précédente mission du Space Lab, menée en 2022, portait sur la conjugaison bactérienne – un mécanisme par lequel les bactéries échangent leur ADN. À la surprise des chercheurs, les résultats avaient montré que les conditions spatiales pouvaient freiner la propagation de la résistance aux antibiotiques. L’étude avait été publiée dans la revue Microbiology Spectrum.
« Cette nouvelle expérience explore le comportement des bactéries dans des conditions extrêmes et ce que cela implique pour la santé humaine – pas seulement pour les astronautes, mais aussi ici sur Terre », souligne le professeur Eyal Zimlichman, directeur de l’innovation, de l’IA et de la transformation numérique à Sheba, ainsi que directeur de l’ARC.
« Pour aller au-delà des limites de la médecine, il faut parfois repousser les limites de la planète. »
Times of Israel
