Aux États-Unis, les diplômés issus des universités prestigieuses n’ont plus la cote
De plus en plus d’employeurs américains se détournent des candidats formés par les universités appartenant à l’Ivy League, accusées notamment d’être trop élitistes et de délivrer un enseignement trop académique, explique “The Wall Street Journal”. Les recruteurs tentent plutôt d’évaluer les compétences réelles.
Adam Leitman Bailey, un avocat new-yorkais spécialisé dans l’immobilier, refuse d’embaucher les jeunes juristes qui viennent de décrocher leur diplôme dans l’une des universités formant l’Ivy League – soit les établissements d’enseignement supérieur les plus prestigieux aux États-Unis. “C’est formidable d’avoir des institutions comme Harvard et Yale, qui forment des présidents, des leaders et de grands penseurs, mais ce n’est pas le genre d’avocats dont j’ai besoin”, explique-t-il au Wall Street Journal.
Un diplôme délivré par l’une des universités les plus cotées du pays était traditionnellement la garantie de voir son CV placé tout en haut de la pile de candidatures. “Désormais, il peut susciter des questions sur sa valeur, voire jouer contre les candidats”, constate le quotidien américain.
Un grand cabinet de conseil comme Bain & Co., basé à Boston, sélectionne encore de jeunes professionnels formés à Princeton ou à Columbia, mais la part de nouvelles recrues issues de ces universités a diminué, explique Keith Bevans, chargé de l’embauche des consultants.
Parce que ces universités ne produisent pas assez de diplômés pour répondre aux besoins, mais aussi parce que Bain organise des entretiens d’embauche à distance et le recruteur ne sait pas dans quelle université le candidat a été formé. “Vous êtes jugé sur la base de vos résultats lors de l’entretien et non sur des idées préconçues sur le nombre de candidats venus de telle ou telle université qui sont susceptibles de sortir du lot”, explique Keith Bevans.
Élitisme et “wokisme”
Chez McKinsey aussi, on se méfie de ces candidats. Pour éliminer ceux dont les compétences réelles ne sont pas à la hauteur des qualifications affichées, on utilise une batterie de tests. Résultat : “La dernière génération d’analystes du cabinet comprend des diplômés de Grinnell College, une minuscule université de l’Iowa, et de l’Université de Santa Clara”, bien moins sélective, en principe, que les établissements de l’Ivy League.
En cause, l’entre-soi qui règne plus que jamais au sein des “universités d’élite”. Adam Leitman Bailey estime ainsi que beaucoup d’étudiants formés dans les universités de l’Ivy League réussissent “plutôt grâce à leurs relations que grâce à leur travail ou à leur talent”. Un récent jugement de la Cour suprême lui donne raison : il a montré qu’un pourcentage important d’étudiants blancs admis à Harvard étaient des enfants d’anciens élèves, de donateurs, de professeurs ou de membres du personnel.
Sur ce reproche d’élitisme est venu récemment se greffer un autre motif de méfiance de la part des entreprises, note le Wall Street Journal : les grandes universités sont désormais souvent accusées d’être “woke” ou de porter atteinte à la liberté d’expression. En octobre dernier, une enquête interne conduite à Harvard a révélé que près de la moitié des professeurs et des étudiants inscrits ont peur d’exprimer leur point de vue sur des questions controversées. Une ambiance a priori peu propice au développement de l’esprit critique.