Le président Emmanuel Macron a annoncé hier, samedi, que la nation allait rendre hommage à l’historien et résistant Marc Bloch, fusillé par l’occupant allemand en 1944 après avoir été torturé.
Cet hommage lui sera rendu «Pour son œuvre, son enseignement et son courage, nous décidons que Marc Bloch entrera au Panthéon», a déclaré le chef de l’Etat à l’occasion d’un déplacement commémoratif à Strasbourg. Le président a loué sa «lucidité cinglante qui nous frappe aujourd’hui encore», son «audace des mots et des idées qui se doubla du courage physique» et sa «volonté française jusqu’à son dernier souffle, jusqu’à l’assassinat par la Gestapo».
La famille de Marc Bloch a salué sa panthéonisation, quatre-vingts ans après sa mort, à laquelle appelaient depuis longtemps responsables politiques et historiens. « C’est une très grande émotion et fierté. Il s’est donné corps et âme pour la liberté et contre le nazisme », a déclaré sa petite-fille Suzette Bloch à l’Agence France-Presse (AFP).
Celle-ci et Matis Bloch (l’arrière-petit-fils de Marc Bloch), ont demandé dans une lettre au président de la République, au regard de son engagement, que « l’extrême droite, dans toutes ses formes, soit exclue de toute participation à la cérémonie » d’entrée au Panthéon. « L’œuvre de ce patriote convaincu est profondément antinationaliste, construite contre le roman national et la réduction de l’histoire française aux frontières nationales ».
Issu d’une famille juive alsacienne, professeur d’histoire du Moyen-Age à l’université de Strasbourg de 1919 à 1936, Marc Bloch a renouvelé en profondeur le champ de la recherche historique en l’étendant à la sociologie, la géographie, la psychologie et l’économie. Capitaine et Croix de guerre lors de la Première Guerre mondiale, de nouveau mobilisé en 1939, Marc Bloch s’engage dans la résistance à la fin de l’année 1942. L’auteur de L’étrange défaite, écrit en 1940 et publié après la guerre, est arrêté à Lyon le 8 mars 1944, emprisonné et torturé à la prison de Montluc, puis fusillé le 16 juin avec 29 de ses camarades.
Depuis sa première élection en 2017, Emmanuel Macrona déjà célébré la panthéonisation de l’écrivain Maurice Genevoix, de la figure politique française et européenne Simone Veil et de la star du music-hall Joséphine Baker, en plus de celle de Missak Manouchian. Il a aussi annoncé celle de Robert Badinter, le père de l’abolition de la peine de mort, décédé le 9 février.
De source présidentielle, l’ancien ministre de la Justice entrera au Panthéon en 2025, avant Marc Bloch.
Un extrait de l’étrange défaite :
« Je suis Juif, sinon par la religion, que je ne pratique point, non plus que nulle autre, du moins par la naissance. Je n’en tire ni orgueil ni honte, étant, je l’espère, assez bon historien pour n’ignorer point que les prédispositions raciales sont un mythe et la notion même de race pure une absurdité particulièrement flagrante, lorsqu’elle prétend s’appliquer, comme ici, à ce qui fut, en réalité, un groupe de croyants, recrutés, jadis, dans tout le monde méditerranéen, turco-khazar et slave. Je ne revendique jamais mon origine que dans un cas : en face d’un antisémite.Mais peut-être les personnes qui s’opposeront à mon témoignage chercheront-elles à le ruiner en me traitant de « métèque ». Je leur répondrai, sans plus, que mon arrière-grand-père fut soldat, en 1793; que mon père en 1870, servit dans Strasbourg assiégé ; que mes deux oncles et lui quittèrent volontairement leur Alsace natale, après son annexion au IIeme Reich; que j’ai été élevé dans le culte de ces traditions patriotiques, dont les Israélites de l’exode alsacien furent toujours les plus fervents mainteneurs; que la France, enfin, dont certains conspireraient volontiers à m’expulser aujourd’hui et peut-être (qui sait?) y réussiront, demeurera, quoi qu’il arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur . J’y suis né, j’ ai bu aux sources de sa culture, j’ai fait mien son passé, je ne respire bien que sous son ciel, et je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux ».
Marc Bloch