En 1914, au début de la guerre, les Juifs sont parfaitement intégrés à la société française depuis les décrets émancipateurs de 1791 et malgré les remous de l’affaire Dreyfus. Ils se définissent avant tout comme israélites, car « ce mot désigne nettement et uniquement une religion, le mot juif impliquant une certaine nationalité territoriale, distincte, exclusive » et ils se répartissent dans toutes les classes sociales, même s’ils sont davantage représentés dans les classes moyennes.
Aussi, dès le début du mois d’août, à l’image de l’ensemble de leurs concitoyens, environ 16 000 israélites nationaux sont mobilisés et rejoignent leurs unités, principalement dans l’Armée de Terre dont l’infanterie et le génie. L’engouement pour la France est répandu chez les Juifs de souche et de nombreux Juifs restés dans les provinces occupées par l’Allemagne préfèrent déserter plutôt que de servir le Reich.
En Algérie, 14 000 israélites sont appelés sous les drapeaux puis incorporés dans les Régiments de marche d’Afrique et la Division marocaine et 8 500 Juifs immigrés s’engagent volontairement et sont enrôlés dans les rangs de la Légion étrangère.
De leurs côtés, les institutions cultuelles et les associations juives ont déployé de nombreux efforts pour soutenir les combattants et motiver la population civile et le Consistoire central participe activement au conflit. Présent dans 11 circonscriptions, il réunit 38 rabbins et 129 ministres officiants.
Et six rabbins meurent pour la France au cours de la guerre (dont deux jeunes élèves rabbins). Deux aumôniers sont faits chevaliers de la Légion d’Honneur et dix-neuf sont cités à l’ordre de l’Armée. La mort du grand rabbin Abraham Bloch symbolise alors l’Union sacrée. Décédé des suites de ses blessures le 29 août 1914 tandis qu’il apportait un crucifix à un combattant agonisant qui l’avait pris pour un prêtre, il demeure dans la mémoire israélite et, selon Maurice Barrès, « le vieux rabbin présentant au soldat le signe immortel du Christ sur la croix, c’est une image qui ne périra pas ».
A l’issue de la guerre, l’armistice est célébré dans toutes les synagogues de France et malgré les deuils et les sacrifices, la victoire de 1918 signifie pour la communauté une nouvelle ère, celle bien sûr du retour de l’Alsace-Lorraine au pays, mais elle est aussi perçue comme la confirmation de l’intégration à la nation.
Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le judaïsme français va perpétuer le souvenir de l’Union sacrée et honorer ses combattants malgré la virulence de l’antisémitisme qui, déjà présent avant et pendant le conflit ne fit que se développer. Les nationalistes ont accusé les Juifs d’être les profiteurs et les responsables des désordres qui pointent sous le ciel européen et des journaux comme L’Action Française avec Georges Gaudy et Je Suis Partout avec Robert Brasillach ont dénigré le sacrifice du judaïsme français en le minimisant.
Source : La communauté juive de France et la Grande Guerre par Philippe-Efraïm Landau, chapitre de l’ouvrage collectif Adh (Edition Belin) de 2002 (résumé par Israël Valley)