L’ancien chef du renseignement de sécurité de la DGSE, spécialiste du terrorisme islamiste, Alain Chouet décrypte les liens financiers du Hezbollah et de l’Iran ainsi qu’une partie de ses financements, issus de trafics internationaux. Interview.

Dimanche, des frappes israéliennes ont visé l’organisme financier du Hezbollah, al-Qadr al-Assan, lequel distribue des microcrédits au sein de la communauté chiite. Après avoir décapité l’organisation en tuant Hassan Nasrallah et son état-major, que cherche Israël en visant cette structure ?

Israël vise en fait l’ensemble du système financier du Hezbollah au Liban, qui n’est rien moins qu’une émanation du système financier des gardiens de la révolution iraniens.

Ce dernier s’est mis en place à la fin des années 80 lorsque l’ayatollah Khamenei et le président Rafsandjani ont voulu transférer au bras armé de leur régime la richesse de l’Iran, à travers le financement d’un certain nombre de fondations et le contrôle des ports.

Cela a permis aux gardiens de la révolution d’accumuler un capital à partir duquel ils ont monté toute une structure financière, aux trois quarts mafieuse. Que ce soit en Iran ou au Liban, une petite partie de ce «  business  » consiste par exemple à voler les pauvres en leur faisant des microcrédits qu’ils n’arriveront jamais à rembourser.

Ce qui permet de les tenir, de se créer une clientèle avec des transferts de fonds depuis l’Iran jusqu’au Hezbollah afin qu’il finance des écoles, des hôpitaux, des hospices ou des opérations caritatives. L’une des raisons de l’assassinat du Premier ministre libanais Rafiq Hariri, milliardaire sunnite, est sa tentative de reprendre par les mêmes méthodes le contrôle de la communauté chiite libanaise avec l’argent de ses sponsors saoudiens.

Dans un récent documentaire sur France 5, «  Hezbollah, l’enquête interdite  », l’agence fédérale antidrogue américaine, la DEA, décrit une organisation criminelle financée en partie par le narcotrafic international. Avec quelles ressources à la clé ?

Cela reste difficile à chiffrer, mais c’est sans doute colossal. Il y a toujours le haschisch et le pavot, côté «  tradition  », mais le plus important, désormais, ce sont les drogues de synthèse comme le captagon, un psychotrope que le Hezbollah fabrique au Liban et qui inonde le Moyen-Orient voire bien au-delà.

Le système financier du Hezbollah s’appuie-t-il aussi sur le réseau des commerçants libanais chiites à travers le monde ?

Oui, il y a une forte solidarité avec les zones essentielles des migrations libanaises chiites comme la Côte-d’Ivoire, la Sierra Leone, mais aussi avec l’Argentine et le Brésil.

L’argent étant le nerf de la guerre, cette offensive peut-elle réussir ?

À mon avis, non. Le Hezbollah n’a certes plus la dimension qu’il avait. Son aura d’invincibilité est sévèrement entamée, mais il reste le seul référentiel des chiites au Liban. Ce que cherche Nethanyahou, je pense, est en fait très américain, dans la pensée, et il fait en l’occurrence la même erreur que la CIA avec les talibans lorsqu’elle nous disait « Nous les contrôlons puisque nous les payons ». Netanyahou pense que si on empêche le Hezbollah de payer, celui-ci perdra le contrôle. Or ça n’arrivera pas. Il reste structuré et l’unique ressource pour une foule de Libanais dans un pays en faillite.

Lundi soir, l’armée israélienne a diffusé une vidéo, relayée par Lebanon Debate, affirmant dévoiler les principales sources de financement du Hezbollah.

Le porte-parole de l’armée israélienne, Avichai Aderi, a écrit dans un message publié lundi soir sur la plateforme « X » : « Le Hezbollah garde des centaines de millions de dollars en liquide et en or sous l’hôpital du Sahel, situé dans le quartier de Harik, pour financer ses activités ».

Il a poursuivi en déclarant : « Nous révélons des informations importantes concernant un abri utilisé par Hassan Nasrallah, qui se trouve sous cet hôpital au cœur de Beyrouth. »

Aderi a ajouté que « les entrées et sorties de cet abri se trouvent dans le bâtiment Al-Ahmadi et le Coast Center ». Selon lui, à l’intérieur de ce refuge, un complexe renferme des centaines de millions de dollars en billets et en or, dont une grande partie proviendrait des citoyens libanais, des fonds qui auraient pu servir à reconstruire le pays.

Il a précisé que « l’hôpital se situe rue Dargham, près de l’Airport Road, dans la ruelle Harik », ajoutant que cet argent est exclusivement destiné à l’armement du Hezbollah, sans autre usage.

Il a également mentionné que « les unités aériennes de l’armée israélienne surveillent actuellement le complexe et continueront de le faire ».

Enfin, Avichai Aderi a exhorté le gouvernement libanais ainsi que les institutions et organisations internationales à récupérer les fonds volés aux citoyens libanais et à empêcher le Hezbollah de les utiliser pour ses activités militaires. Il a conclu en soulignant que « notre guerre n’est pas contre les citoyens libanais, mais contre une organisation terroriste sanguinaire soutenue et armée par l’Iran au service de ses intérêts ».

JFORUM.Fr

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