Ces 10 derniers mois, à cause des tirs de roquettes quotidiens du Hezbollah dans le nord d’Israël, les femmes enceintes ne s’inquiètent pas uniquement du développement du bébé qu’elles portent mais aussi de ce qui se passerait si les attaques de l’organisation terroriste donnaient lieu à une guerre en bonne et due forme et les empêchaient de se rendre à l’hôpital à temps pour accoucher.

Dans l’idée de les préparer à un accouchement d’urgence à domicile, l’action bénévole « Premières contractions », active en Galilée occidentale et sur le plateau du Golan, a été lancée en avril dernier. Elle met en relation des femmes enceintes avec des sages-femmes bénévoles qui vivent près d’elles.

« Nous leur donnons des instructions pour le pire scénario dit ‘insulaire’ », explique Cohen. Il consiste à envisager que les dégâts causés aux infrastructures et moyens de communications, de même que les très nombreuses victimes et destructions empêchent les femmes de se rendre à l’hôpital ou de bénéficier d’une aide médicale au moment d’accoucher.

Comme d’autres collègues sages-femmes, Cohen a senti que les menaces d’attaque de grande ampleur agitées par le Hezbollah en représailles à la mort du chef adjoint du Hezbollah, Fouad Chokr, à Beyrouth les poussaient à aider au plus vite les femmes enceintes. D’autant plus que l’Iran a lui aussi juré de venger la mort d’Ismaïl Haniyeh à Téhéran, qu’il attribue à Israël.

A ce jour, les attaques du Hezbollah ont entraîné la mort de 26 civils côté israélien, auxquels s’ajoutent 18 soldats et réservistes de Tsahal.

Parrainée par le Magen David Adom (MDA), l’Organisation des sages-femmes d’Israël et les Jewish Federations of Northern America, l’initiative First Contractions compte 60 sages-femmes – juives, arabes et druzes -, à l’image de la diversité de la Galilée occidentale et du plateau du Golan.

Les conseils régionaux ont fait passer le mot aux femmes enceintes et, à cette date, on compte 280 mères désireuses de bénéficier de ce service entièrement gratuit.

Cohen explique qu’au cas où le travail commence et que les futures mères n’aient pas la possibilité de se rendre à l’hôpital, elle-même ou d’autres sages-femmes feront « de leur mieux pour se rendre auprès d’elles ou les aider par téléphone ».

Elle ajoute que les sages-femmes pourront également effectuer une visite à domicile après l’accouchement. A ce stade et dans ce cadre, elle accompagne cinq femmes enceintes.

Se préparer à accoucher à la maison

Le service de premiers secours du MDA dispose des coordonnées de ces sages-femmes afin de pouvoir les envoyer sur des accouchements à domicile. Les sages-femmes ont perçu des trousses de premiers soins équipées d’appareils à ultrasons Doppler portatifs, de bouteilles d’oxygène et de tout le matériel médical nécessaire au suivi d’une grossesse, à un accouchement et même aux suites de couches en cas d’indisponibilité des services médicaux.

Noa Cohen Galili, bénévole de Premières Contractions, à droite, avec Shimon Dahan, ambulancier de Magen David Adom. (Avec l’aimable autorisation de Magen David Adom)

« Dans l’éventualité où je ne pourrais pas me rendre chez Shira à cause des bombardements, je lui ai expliqué, à elle et son mari, comment accoucher à la maison », indique Cohen. « Je lui ai dit que le plus important, c’était de ne pas sortir le bébé par la force, mais d’attendre qu’il vienne naturellement. »

« Roni m’a aidée à me calmer », témoigne Weiss. « Elle m’a expliqué ce qui pouvait être une situation d’urgence, ce qui ne l’était pas, et comment gérer l’accouchement le plus doucement possible. Nous avons préparé des serviettes et des draps pour garder le bébé au chaud. »

En 2023, Magen David Adom a conduit à l’hôpital à bord de ses ambulances pas moins de 16 283 femmes, auxquelles s’ajoutent 1 062 futures mamans qui ont accouché avec l’aide des équipes du Magen David Adom chez elles ou en route pour l’hôpital.

En s’associant aux sages-femmes des environs, les premiers intervenants peuvent ainsi se préparer aux urgences dans le cas où les équipes du Magen David Adom ne peuvent pas se rendre au domicile des femmes sur le point d’accoucher.

Des sages-femmes de l’initiative Premières Contractions participent à une séance de formation du Magen David Adom. (Avec l’aimable autorisation de Magen David Adom)

Le Magen David Adom a organisé, il y a peu, deux séances de formation au cours desquelles 37 sages-femmes du secteur ont perçu des équipements et appris à utiliser le système de répartition d’urgence de MDA.

« Nous avons donné aux sages-femmes bénévoles le matériel médical nécessaire au cas où nous ne pourrions pas nous rendre au chevet d’une femme sur le point d’accoucher ni la transporter à l’hôpital », explique Yossi Halabi, directeur de la division Première intervention de Magen David Adom. « Ce sont les sages-femmes les expertes. »

En Israël, les sages-femmes sont des infirmières diplômées qui étudient pendant six ans pour suivre les grossesses jusqu’à six semaines après l’accouchement. La plupart des femmes enceintes ne voient leur sage-femme qu’à leur arrivée à l’hôpital.

Lutter contre le stress

Ragda Faris Rabah est sage-femme au Centre hodpitalier de Galilée et vit dans le village druze de Kisra-Sumei, en Galilée occidentale.

Ragda Faris Rabah, sage-femme bénévole de Premières Contractions. (Autorisation)

Elle est rattachée à six femmes enceintes de son secteur géographique. Elle explique comment accoucher aux futures mères, bien sûr, mais aussi à une autre personne, « qui peut être une voisine, une mère, un parent ou un mari », en cas d’accouchement à la maison.

« La situation dans le nord est de plus en plus dangereuse », explique Rabah au Times of Israel. « En temps de guerre, on peut reporter les mariages ou les voyages, mais on ne peut pas repousser une naissance. »

« Les femmes sont très sensibles pendant la grossesse, plus anxieuses », poursuit-elle, et le fait de pouvoir contacter une sage-femme, de parler avec elle, est de nature à lutter contre le stress et « faciliter les choses ».

« Le but de cette initiative est qu’aucune femme ne se sente seule », ajoute Rabah.

« Premières Contractions » fait partie d’une série d’initiatives de Magen David Adom, nées suite au pogrom du 7 octobre, destinées à préparer la population aux scénarios d’urgence. L’une d’entre elles a consisté à créer des équipes d’intervention médicale communautaires capables de prodiguer des soins lorsqu’il n’est pas possible de transporter immédiatement les patiens à l’hôpital, une autre, à élaborer des protocoles détaillés pour la prise en charge de patients en cas de graves pannes de courant et/ou de téléphonie.

Le Magen David Adom souhaite offrir l’initiative Premières Contractions ailleurs en Israël.

« Cette initiative va permettre aux femmes enceintes qui vivent en zone de guerre de faire connaissance avec les sages-femmes qui vinent près de chez elles, et ce, dès le début de leur grossesse », souligne Yifat Hadar Rubanenko, présidente de l’Organisation des sages-femmes d’Israël qui espère que l’initiative survivra en temps de paix.

Lundi soir, le lendemain de la visite de Cohen, Weiss a accouché. Elle aurait dû accoucher au centre hospitalier de Galilée, mais l’activation des sirènes d’alerte aux roquettes du Hezbollah a eu raison de ses plans. Au lieu de mettre le cap sur le nord, en direction de Nahariya, son mari Tal et elle se sont rendus dans le sud, jusqu’à l’hôpital Carmel de Haïfa.

« J’ai eu Roni au téléphone et elle m’a donné des conseils lorsque nous étions sur la route », souligne Weiss. À 21h30, elle a donné naissance à un petit garçon.

 

Times of Israel

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