Cinq alternatives pour l’avenir de Gaza (analyse)
Cinq alternatives pour l’avenir de Gaza
Par CENTRE BESA
Les discussions sur l’avenir de Gaza se déroulent de manière isolée, et la dimension politique durcit les opinions au lieu de les rendre ouvertes et flexibles. Ainsi, le directeur de l’Institut INSS a écrit le 29 mai qu’« une autre approche civile à Gaza [est] la nécessité du moment » et a commencé par dire « il n’y a pas de temps », tandis que Gabi Siboni de l’Institut Mishgav a déclaré le 24 mai que « nous devons entrer dans la bande de Gaza et prendre le contrôle de toute l’aide humanitaire à Gaza ».
Il existe plusieurs alternatives pour l’avenir de Gaza, et dans cet article je vais en présenter cinq. Un choix sera fait à travers une analyse comparative de leurs coûts et avantages. Une planification stratégique constructive crée une flexibilité maximale pour les décideurs, et la conduite optimale serait de mettre en œuvre des alternatives proches qui servent toutes les objectifs stratégiques d’Israël.
Avant de présenter les différentes options, il faut définir les objectifs et les intérêts israéliens en fonction desquels ils seront examinés. Je propose que les objectifs et les intérêts d’Israël soient hiérarchisés de la manière suivante:
- Détruire la capacité militaire du Hamas: c’est là un impératif stratégique essentiel. La position à long terme d’Israël dans la région dépend de sa capacité à transmettre un message clair : quiconque commet une attaque criminelle comme celle du 7 octobre perdra, au minimum, ses capacités militaires et sa capacité à nuire à Israël pour très longtemps.
- Abolition du contrôle du Hamas à Gaza: En ce qui concerne la première considération, Israël doit s’efforcer de faire en sorte que tout parti – en particulier une organisation terroriste – qui commet des attaques meurtrières contre Israël perde son pouvoir et que ses dirigeants perdent la vie. Entre l’affirmation selon laquelle il est impossible d’éliminer une idée, en particulier une idée radicale, et l’affirmation selon laquelle l’existence du Hamas sous quelque forme que ce soit, y compris civile, doit être contestée, il existe de nombreuses nuances de possibilités, dont l’une des plus importantes devrait être l’abolition du contrôle du Hamas.
- Relations avec les Etats-Unis : Toute option doit tenir compte de la nécessité stratégique de maintenir de bonnes relations avec les Etats-Unis dans la durée. C’est une considération complexe dans le contexte de la politique intérieure américaine. Il peut y avoir des désaccords, même difficiles, avec l’administration américaine, mais l’insistance d’Israël sur ses positions devrait faire partie d’une relation saine entre les deux pays, malgré des asymétries extrêmes occasionnelles. Un Israël qui satisfait les Américains à maintes reprises perdra sa position aux Etats-Unis. Cela étant dit, il est toutefois important de respecter les intérêts mondiaux américains et de contribuer à les promouvoir.
- Le retour des otages : c’est une question importante, mais comme il ne s’agit pas d’une nécessité existentielle, elle n’a pas la même importance que les considérations précédentes. Le retour des otages est une question de valeurs et de morale, mais pas de stratégie. La réalité est qu’il n’y a aucune possibilité de parvenir à un accord global avec le Hamas, car le sort personnel de Sinwar dépend de sa détention des otages. Il continuera à les détenir aussi longtemps que possible jusqu’à ce qu’il ait une autre option de survie. Les efforts pour rapatrier les otages par des moyens opérationnels ou par le biais d’accords locaux doivent être poursuivis par tous les moyens.
- La question du front nord et des négociations avec l’Iran : cette question est également complexe. Le Hezbollah a déclaré qu’il ne cesserait pas de tirer sur le nord et qu’il n’autoriserait pas le retour des habitants déplacés sans la cessation des combats à Gaza. Mais pour Israël, la cessation des combats à Gaza sans la réalisation de ses objectifs contre le Hamas représenterait un sérieux préjudice à sa dissuasion contre lui et contre l’Iran. Il s’agit d’une impasse qui peut être résolue soit par une guerre à plus grande échelle, ce qui porterait gravement atteinte aux capacités du Hezbollah, soit par un arrangement informel que Nasrallah pourrait présenter comme une réussite ou comme une « non-cessation » des combats pendant que la guerre à Gaza continue. En raison de cette impasse, cette question a été reléguée à une place relativement basse, bien qu’en principe elle soit plus fondamentale.
- En ce qui concerne les pays modérés de la région, et en particulier l’Arabie saoudite, la guerre à Gaza, l’escalade avec l’Iran et les attaques incessantes des Houthis ne font que renforcer la compréhension de la région de la nécessité d’unir ses forces à celles d’Israël. Si le retard dans la mise en œuvre est dû à l’opinion publique et aux intérêts américains, il semble que cette mesure finira par se poursuivre et les succès militaires constants d’Israël contre le Hamas renforcent la probabilité qu’elle se concrétise. Cette considération a donc moins d’influence sur le choix entre les deux alternatives.
- La question de la légitimité d’Israël : dans ce domaine, il y a un fossé. Si à court et moyen terme la légitimité d’Israël est mise sous pression par les institutions internationales, à long terme, le fossé – voire l’abîme – entre les accusations mensongères et politisées contre Israël et la situation réelle sur le terrain va se révéler. Bien que la guerre crée des images négatives, c’est l’une des guerres les plus « propres » de l’histoire en termes de proportion de combattants tués par rapport aux civils et de quantité d’aide humanitaire entrant à Gaza. Par conséquent, malgré la nécessité de continuer à se battre avec détermination et de rejeter la responsabilité des conséquences sur le Hamas, cette préoccupation est moins importante dans le choix des alternatives.
Il y a des considérations de second ordre. Il s’agit notamment des ressources (le coût économique de chaque option) ; des aspects juridiques (les obligations d’Israël envers Gaza dans le cadre du droit international et la manière dont elles sont remplies) ; et des aspects sociaux (l’impact de chaque option sur la résilience nationale, même si, à mon avis, cela est inclus dans chaque considération). Il serait préférable que ces considérations affectent les moyens de mettre en œuvre l’option préférée et moins le choix lui-même.
Maintenant que les sept considérations principales ont été définies, les cinq alternatives peuvent être définies et examinées :
1. L’alternative du Hamas: dans cette option, les combats à Gaza cesseraient et l’armée israélienne se retirerait en échange de la libération des personnes enlevées et de la cessation des combats dans le nord. Un Hamas affaibli militairement reprendrait le contrôle de la bande de Gaza. Cette option est défendue par certaines familles de personnes enlevées et plusieurs éléments de l’opposition au gouvernement, et l’administration américaine pourrait aussi la soutenir pour des raisons de politique intérieure. En examinant ce choix à la lumière de toutes les considérations, il apparaît clairement que, même si elle pourrait permettre la libération des personnes enlevées et la cessation des combats dans le nord et pourrait être perçue comme une bonne décision en termes de relations avec les États-Unis, elle nuirait considérablement au besoin stratégique fondamental d’Israël de détruire la capacité militaire du Hamas et d’abolir son contrôle à Gaza. L’idée que cette option mènerait à une solution globale à la question des personnes enlevées et au défi lancé par le Hezbollah est discutable. Il est plus probable que les combats reprendraient dans des conditions moins favorables pour Israël.
2. L’alternative d’une Autorité palestinienne revitalisée: Parallèlement aux dégâts militaires continus infligés aux capacités militaires du Hamas et de son gouvernement, une alternative gouvernementale et sécuritaire serait construite, qui inclurait une Autorité palestinienne revitalisée avec l’intégration d’éléments locaux et le soutien et l’implication d’une coalition de pays arabes et occidentaux. Cette alternative de « construction nationale » est promue par les États-Unis et les pays européens, en collaboration apparente avec les pays arabes, ainsi que par des éléments en Israël qui accordent trop de poids à la position officielle américaine. Cette option favorise les considérations américaines et peut-être régionales (il est trop tôt pour dire si la position arabe est réelle ou le produit artificiel de la pression américaine), mais il y a un grand point d’interrogation sur sa capacité à fournir une véritable réponse aux préoccupations fondamentales de nuire au Hamas et d’empêcher son rétablissement. Elle n’apporte pas non plus de réponse globale aux questions des personnes enlevées et au défi dans le nord.
3. L’alternative militaro-civile: dans cette option, Israël continue de frapper le Hamas, tant dans ses capacités militaires que dans sa gouvernance, jusqu’à ce qu’il soit suffisamment affaibli pour permettre aux éléments palestiniens locaux de le remplacer sur le terrain, avec un soutien régional et international considérable. Cette alternative est promue par le Premier ministre Netanyahou et se reflète dans des éléments clés des décisions du cabinet. Cette option apporte une bonne réponse aux considérations fondamentales de nuire au Hamas, et pourrait même être tacitement acceptée par les Américains et les acteurs arabes et internationaux. Elle n’apporte cependant pas de solution aux problèmes de la libération des personnes enlevées et des combats dans le nord.
4. L’alternative du « chaos »: Israël continue de s’attaquer au Hamas, à la fois dans ses capacités militaires et dans sa gouvernance, tout en permettant aux acteurs locaux, régionaux et internationaux de créer sur le terrain des alternatives gouvernementales susceptibles de déboucher sur une alternative gouvernementale globale. Cette option s’est exprimée dans l’opinion qui a appelé (au moins au début de la guerre) à la « somalisation » de Gaza, c’est-à-dire à une sorte de construction nationale supervisée et partiellement indépendante. Cette alternative permettrait à Israël de définir ce qui ne se produirait pas et aux autres de décider de ce qui est possible. Elle apporte une bonne réponse aux considérations fondamentales d’Israël concernant le Hamas, mais serait difficile à digérer pour les Américains et les acteurs régionaux et internationaux. Elle ne résout pas non plus les problèmes des personnes enlevées et du Nord.
5. L’alternative de la souveraineté: Israël imposerait un gouvernement militaire total à Gaza, exercerait un contrôle militaire et sécuritaire total sur la bande de Gaza et pourrait même l’occuper et même l’annexer en partie. Cette option est promue par l’aile droite du gouvernement. Si elle apporte une bonne réponse aux considérations fondamentales concernant le Hamas et pourrait même apporter des gains sur la question des personnes enlevées, elle rendrait les relations avec les États-Unis ainsi que d’autres considérations très difficiles.
Les options possibles pour l’avenir de Gaza impliquent évidemment un débat complexe. Il est probablement possible de passer d’une option à l’autre et de les fusionner en fonction de l’évolution de la situation. À l’heure actuelle, l’option qui équilibre le mieux les considérations d’Israël est l’option militaro-civile. Les plus problématiques sont l’option Hamas et l’option souveraineté. Il est approprié et correct de poursuivre un débat comparatif complexe sur les considérations d’Israël et les alternatives pour y parvenir et d’éviter de s’attacher politiquement à l’une d’entre elles.