En Turquie, des failles exploitées pour contourner l’embargo sur Israël.

Alors que les relations diplomatiques entre la Turquie et Israël restent au plus bas, les importateurs ont déjà identifié des failles dans le récent durcissement des règles commerciales imposé par Ankara. Une faille principale : la possibilité de déclarer des marchandises à destination des territoires palestiniens.

Depuis quelques semaines, le ministère turc du Commerce navigue en effet à vue sur le dossier israélien, entre volonté d’assouplir l’embargo commercial et impératifs politiques du président Erdogan. Mais avant même les derniers soubresauts, les importateurs avaient repéré une première brèche : l’arène palestinienne.

Car malgré l’interdiction générale du commerce avec Israël, les douanes turques sont autorisées à laisser passer les marchandises dont le destinataire est enregistré en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza, territoires dépourvus de ports maritimes et tributaires des infrastructures israéliennes.

La procédure est bien rodée : après obtention des permis ad hoc, les cargaisons peuvent être acheminées par navire jusqu’en Israël, à condition d’être officiellement destinées à un importateur palestinien. Une fois sur le sol israélien, un jeu de transfert de propriété permet ensuite de réacheminer aisément les biens vers les acheteurs israéliens réels.

Un processus qui, bien que complexe sur le papier, reste parfaitement légal et se révèle suffisant pour permettre aux échanges de se poursuivre presque normalement entre les deux pays. Seule limite : les produits soumis à des réglementations spécifiques, pour lesquels les douanes israéliennes disposent d’un droit de regard supplémentaire sur la réalité des transactions.

Autre technique déjà pratiquée : le transit par des pays tiers, solution coûteuse mais toujours possible. Au lieu de déclarer Israël comme destination finale sur les connaissements, les marchandises sont d’abord expédiées vers un port comme la Bulgarie ou l’Égypte via une première procédure de transit. Les documents sont alors modifiés pour permettre un nouvel acheminement vers les ports israéliens.

Pour l’heure, ces différents systèmes, bien que chronophages, permettent donc de maintenir un flux substantiel de biens entre la Turquie et Israël, en dépit des gesticulations d’Ankara. Une situation qui pourrait toutefois s’avérer de plus en plus intenable si le bras de fer politique venait à s’intensifier dans les prochains mois.

Les milieux d’affaires turcs et israéliens restent donc attentifs aux prochains développements diplomatiques, tout en s’activant d’ores et déjà pour préserver coûte que coûte des relations commerciales séculaires, au prix d’une certaine ingéniosité et de surcoûts logistiques importants.

Au-delà de la posture anti-israélienne affichée par Erdogan, on ne saurait perdre de vue l’importance considérable des échanges commerciaux entre les deux pays. Israël importe en effet entre 5 et de 7 milliards de dollars de marchandises turques chaque année, bénéficiant de prix très compétitifs sur de nombreux produits.

Si ces approvisionnements venaient à être coupés, Israël devrait se tourner vers d’autres sources, avec à la clé une hausse significative des coûts pour les consommateurs israéliens. Une perspective d’autant plus préoccupante que les prix de nombreux biens de consommation sont déjà particulièrement élevés dans le pays.

Dans ce contexte, tout doit être mis en œuvre pour préserver autant que possible ces flux commerciaux avantageux avec la Turquie. Car une rupture risquerait d’alourdir encore un peu plus le pouvoir d’achat des ménages israéliens, déjà durement éprouvé par les tensions géopolitiques et économiques régionales.

Les autorités israéliennes se doivent donc de jouer la carte de l’apaisement avec Ankara, sans céder sur les principes fondamentaux. L’enjeu est de taille : éviter que les consommateurs ne fassent une fois de plus les frais des soubresauts diplomatiques, en voyant leur pouvoir d’achat se dégrader davantage.

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