La guerre en Ukraine a des conséquences mondiales et même le Proche-Orient est impacté. Quand la Russie a lancé sa guerre totale contre son voisin en février 2022, Israël a rejeté les demandes d’aide de Volodymyr Zelensky qui voulait consolider son système de défense antiaérienne.
Pour les dirigeants israéliens, la nécessité de ménager la Russie de Poutine, dont la présence militaire en Syrie en fait un « voisin » de l’État hébreu, primait sur le fait d’aider un président juif, dont le pays était agressé par un allié de l’Iran, principal ennemi de Tel-Aviv. Mais la spirale guerrière dans laquelle semble aspirée la région depuis les attentats terroristes du 7 octobre impose une comparaison entre les deux théâtres.
À Moscou comme à Téhéran, on utilise la même tactique de saturation de la défense antiaérienne pour affaiblir l’adversaire. « L’Iran a appris des frappes russes en Ukraine » constate Emile Hokayem, expert de l’International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres, sur son compte X. Les 13 et 14 avril, l’attaque massive menée par l’Iran contre Israël a été perpétrée à l’aide de 170 drones et plus de 150 missiles, lancés par vagues successives.
Submerger la défense de l’adversaire : c’est exactement la tactique de la Russie quand elle noie les défenses aériennes de l’Ukraine sous une pluie de drones et de missiles, tirés par vagues échelonnées. Le président ukrainien a d’ailleurs compati : « En Ukraine nous connaissons très bien l’horreur d’attaques similaires. »
Si Israël a réussi à repousser la quasi-totalité des missiles et des drones lancés par l’Iran, qu’arriverait-il si la guerre devait s’installer dans le temps ?
L’Iran et alliés disposent d’une réserve de drones et de missiles considérable et dans une guerre totale, face à des salves qui seraient tirées de multiples directions et de manière continue par l’Iran ou par ses affidés au Liban, au Yémen, en Syrie et en Irak, le bouclier de défense antiaérienne israélien, saturé et submergé, pourrait rapidement perdre de son étanchéité.
L’efficacité de la protection israélienne contre l’attaque iranienne doit beaucoup à la qualité et au degré de sophistication des défenses aériennes de l’État hébreu, ainsi qu’au fait que les Iraniens avaient prévenu de l’imminence de leur attaque, ce qui a laissé à Tsahal le temps de s’y préparer. Mais il s’explique aussi par le soutien essentiel que lui ont apporté les partenaires arabes d’Israël et les puissances occidentales, réunies en coalition. Les chasseurs américains, britanniques et français ainsi que les défenses aériennes jordaniennes ont abattu de nombreux drones et missiles avant qu’ils n’atteignent les frontières d’Israël. Les conditions de défense d’Israël ont donc été idéales. Mais l’opération a aussi révélé la dépendance sécuritaire d’Israël vis-à-vis de ses partenaires.
L’État hébreu pourra-t-il compter indéfiniment sur ce soutien extérieur, alors que les États-Unis veulent s’investir davantage contre la menace chinoise et que le soutien américain à Israël fait perdre des votes à Joe Biden ?
La défense de l’État hébreu, les 13 et 14 avril, aurait coûté 1 milliard de dollars en matériel utilisé et il existe une pénurie mondiale de missiles intercepteurs efficaces, capables de contrer les missiles balistiques.
Ainsi, les autres alliés occidentaux d’Israël n’arrivent même pas à satisfaire les demandes d’aide militaire de l’Ukraine et les retards dans la livraison des avions de chasse, les promesses revues à la baisse provoquent de l’amertume à Kiev, où l’on redoute que la compétition entre Israéliens et Ukrainiens tourne au désavantage des seconds.
Zelensky a exhorté les Occidentaux à fournir à Kiev la même assistance que celle qu’ils ont déployée pour aider Israël. « En défendant Israël, le monde libre a démontré qu’une telle unité est non seulement possible, mais aussi efficace à 100 %. La même chose est possible pour protéger l’Ukraine.»
« Les vainqueurs sont les Russes et les Chinois, qui peuvent se réjouir de voir leurs adversaires occidentaux concentrer leur attention et leurs forces sur le Proche-Orient plutôt que sur l’Ukraine ou sur l’Indo-Pacifique» , analyse Michel Duclos. Il redoute que l’Ukraine devienne « une victime collatérale des tensions grandissantes au Proche-Orient ». Comme si une guerre pouvait chasser ou ignorer l’autre…
Source : Le Figaro (résumé Israël Valley)