Riposte israélienne contre l’Iran : Gantz, Gallant… qui compose le cabinet de guerre Netanyahu ?
Créé quelques jours après les attaques du 7 octobre, le cabinet de guerre israélien avait pour mission de conduire la riposte contre le Hamas dans la bande de Gaza. Après les attaques iraniennes lancées vers Israël au cours du week-end du 13 avril, il doit désormais décider de la riposte de l’État hébreu. Qui sont ses membres dont les décisions peuvent faire basculer un peu plus la région dans l’inconnue ?
Le cabinet de guerre israélien multiplie ses réunions depuis que la République islamique a lancé, samedi 13 avril, une attaque inédite contre l’État hébreu, en représailles à la frappe contre le consulat iranien de Damas le 1er avril.
De sa décision de répliquer et de l’ampleur d’une éventuelle riposte peut dépendre l’avenir du conflit et même celui de la région, déjà secouée par la guerre en cours dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre.
Conseillés par le haut commandement militaire et les chefs des services de renseignements, les membres de cette task force, créée le 11 octobre et censée être dissoute à la fin de la guerre, ont pour mission de conduire la riposte du pays contre le Hamas et ses alliés palestiniens.
Le cabinet de guerre, qui peut prendre des décisions militaires sans avoir à consulter les parlementaires, est composé de 6 membres, trois piliers et trois observateurs qui n’ont pas le droit de vote.
Au côté du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui le dirige, siège son rival politique et ancien chef d’état-major Benny Gantz, et Yoav Gallant qui lui a succédé, en décembre 2022, au poste de ministre de la Défense.
Les trois observateurs sont l’ancien chef d’état-major et allié politique de Gantz, Gadi Eizenkot, et deux proches conseillers de Benjamin Netanyahu : le ministre israélien des Affaires stratégiques Ron Dermer et le chef du parti ultra-orthodoxe Shass, Arié Dery.
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Les piliers du cabinet de guerre
Benjamin Netanyahu
- Premier ministre (de 1996 à 1999, de 2009 à 2021 et depuis 2022), chef du cabinet de guerre et du Likoud
- 74 ans
Déjà très contesté et affaibli politiquement avant les attaques du 7 octobre en raison de son projet controversé de réforme de la justice, Benjamin Netanyahu avait besoin d’illustrer l’union du pays à l’heure de de la riposte contre le Hamas qu’il a promis d’anéantir.
L’annonce de la création du cabinet de guerre – le 11 octobre, à l’issue une réunion avec son principal rival politique Benny Gantz – lui a servi à légitimer les décisions relatives à l’offensive sur la bande de Gaza.
S’il sort renforcé après la mise en échec de l’attaque inédite de l’Iran, lui qui n’a eu de cesse de mettre en garde contre la menace que fait peser la République islamique sur Israël, Benjamin Netanyahu est, depuis, soumis à de très fortes pressions internationales et nationales.
Pris en étau entre, d’un côté, les appels de nombreux pays – l’allié américain en tête – à éviter un embrasement régional et de l’autre, les surenchères des figures de l’extrême droite de sa coalition gouvernementale, qui militent pour une riposte « écrasante » contre Téhéran, il temporise.
Selon le diffuseur public israélien Kan, le Premier ministre a décidé de ne pas mettre en œuvre des plans pré-approuvés de frappes de représailles en cas d’attaque iranienne… après avoir discuté avec le président américain Joe Biden.
Tous les regards sont tournés vers lui et son cabinet de guerre en proie à de profondes divisions, alors qu’il est toujours la cible de critiques dans le pays. Il lui est reproché de ne pas avoir atteint les objectifs militaires à Gaza, mais aussi d’avoir jusqu’à présent échoué à la libération des 133 otages toujours retenus dans l’enclave palestinienne. Sans oublier qu’il est tenu personnellement responsable des « défaillances » sécuritaires ayant permis les attaques sans précédent du Hamas sur le sol israélien.
Benny Gantz
- Figure de l’opposition, ministre sans portefeuille du « gouvernement d’urgence », ancien ministre de la Défense (2020-2022) et ex-chef d’état-major (2011-2015)
- 64 ans
Sans lui, le cabinet aurait manqué de légitimité. En acceptant d’intégrer cette task force, dont il est l’un des membres les plus influents, Benny Gantz avait, en apparence, mis entre parenthèses sa rivalité politique avec Benjamin Netanyahu.
Depuis, le chef du parti centriste de l’Union nationale n’hésite plus à afficher publiquement ses divergences avec le Premier ministre. Comme lorsqu’il plaide en faveur de la conscription des ultra-orthodoxes, ou lorsqu’il s’est rendu à Washington, début mars, pour évoquer avec l’administration Biden « un cessez-le-feu temporaire » à Gaza. Des sorties qui ont mis en évidence les profondes divisions au sein du cabinet de guerre qui devait incarner l’unité nationale d’un pays endeuillé et en état de choc.
Figure consensuelle et respectée issue des rangs de l’armée, l’ancien chef d’état-major s’était lancé en politique en 2019 avec l’objectif de déloger celui qui était alors Premier ministre d’Israël depuis dix ans…
Le leader centriste avait signé en avril 2020, en pleine pandémie de Covid-19, un accord post-électoral de partage du pouvoir avec Benjamin Netanyahu comprenant une rotation pour le poste de Premier ministre (tombé à l’eau 8 mois plus tard), et ne désespère pas de parvenir à ses fins.
Début avril, l’ancien ministre de la Défense de Yaïr Lapid a appelé à des élections législatives anticipées en septembre. Selon les derniers sondages, en cas d’élections anticipées, Benny Gantz serait largement en tête.
Yoav Gallant
- Ministre de la Défense (depuis décembre 2022) et ex-général issu des commandos de marine
- 65 ans
Le ministre de la Défense du gouvernement de Benjamin Netanyahu est un pilier du cabinet de guerre et, de facto, l’un des principaux acteurs de la riposte d’Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza.
« Pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau, pas de gaz, tout est fermé (…) Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence », a-t-il lancé, deux jours après l’attaque du 7 octobre, alors qu’il annonçait le « siège complet de Gaza ».
Ancien commandant de la région sud d’Israël et chef de la campagne militaire israélienne « Plomb durci », à Gaza en 2008, et un temps pressenti, en 2010, au poste de chef d’état-major (sa nomination avait été annulée « à la suite d’allégations d’appropriation illégale de terrains »), Yoav Gallant, a fait son entrée en politique en 2014.
D’abord sous l’étiquette du parti de centre-droit Koulanou puis, à partir de 2019, dans les rangs du Likoud de Benjamin Netanyahu qui le nomme plusieurs fois ministre dans ses différents gouvernements (Immigration, Éducation…).
En mars 2023, il manque de se faire limoger de son poste de ministre de la Défense après avoir appelé le gouvernement à suspendre sa très controversée réforme de la Justice.
De retour au premier plan après les attaques du 7 octobre, il répète que seule une action militaire permettrait d’anéantir le Hamas et d’obtenir la libération des otages retenus à Gaza. L’offensive israélienne a déjà fait plus de 33 800 morts selon le ministère de la Santé du Hamas.
Depuis le début du conflit, Yoav Gallant plaide pour l’ouverture d’un front avec le Hezbollah libanais, qui lance des attaques sur le nord d’Israël pour soutenir son allié, le Hamas. Un point sur lequel il est en total désaccord avec Benjamin Netanyahu et Benny Gantz.
Israël n’a pas d’autre choix que de répondre, a-t-il expliqué au lendemain de l’attaque iranienne à son homologue américain Lloyd Austin, selon le média Axios.
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Les membres observateurs
Gadi Eisenkot
- Ministre sans portefeuille du « gouvernement d’urgence », membre du cabinet de guerre et ancien chef d’état-major (2015-2019)
- 63 ans
Imposé par Benny Gantz au sein du cabinet de guerre, Gadi Eisenkot est un allié politique de premier plan de celui qui l’a précédé au poste de chef d’état-major.
Partageant la même méfiance à l’égard de Benjamin Netanyahu, ils forment ensemble un front commun au sein de cette task force où leur passé à la tête de l’armée israélienne leur confère une certaine influence.
Le lieutenant-colonel de réserve n’hésite pas à critiquer ouvertement et publiquement Benjamin Netanyahu lorsque celui-ci affirme qu’Israël est sur le point de remporter une « victoire totale » à Gaza.
« Cela fait six mois que nous exerçons d’énormes capacités militaires et nous ne sommes toujours pas parvenus à rapatrier les 133 otages », a-t-il lancé en début de semaine.
Gadi Eisenkot est connu pour être l’un des premiers militaires de haut rang à avoir évoqué, en 2008, « la doctrine Dahiya » – du nom de la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah –, qui a théorisé l’usage disproportionné de la force pour affaiblir les ennemis de l’État hébreu, quitte à faire payer aux civils le prix fort.
Malgré son prisme d’ancien militaire, il était parmi ceux qui, au sein de cabinet de guerre, œuvraient, en novembre, en faveur de d’une trêve négociée avec le Hamas pour obtenir la libération de plus de cent otages israéliens. Une semaine plus tard, le 7 décembre, son fils Gal Eisenkot, adjudant de réserve, a été tué par l’explosion d’une bombe à l’entrée d’un tunnel du Hamas à Gaza.
Selon plusieurs médias israéliens, au cours d’une réunion du cabinet de guerre organisée après l’attaque iranienne, il aurait, à l’instar de Benny Gantz, pressé Benjamin Netanyahu de contre-attaquer immédiatement. Une information démentie par le bureau du Premier ministre.
Ron Dermer
- Ministre israélien des Affaires stratégiques, conseiller du Premier ministre et ex-ambassadeur d’Israël aux États-Unis (2013-2021)
- 53 ans
Né en Floride, ancien ambassadeur d’Israël à Washington, réputé comme un proche des conservateurs américains, Ron Dermer est le plus proche conseiller de Benjamin Netanyahu. C’est donc presque sans surprise que ce dernier l’a intégré au cabinet de guerre en tant qu’observateur.
Fermement opposé à la solution à deux États qui serait, selon lui, une « solution enfantine à un problème complexe », il est, au sein du cabinet de guerre, un partisan d’une ligne dure contre les Palestiniens, lui qui n’a jamais servi dans l’armée israélienne.
Selon les spécialistes de la politique israélienne, celui qui est surnommé « Bibi’s Brain » (le cerveau de Netanyahu) exerce une influence considérable sur la politique étrangère menée par son Premier ministre. Sa position pourrait donc être cruciale dans la décision à venir sur la riposte contre la République islamique.
« Même si le monde entier, États-Unis inclus, se retourne contre Israël, nous continuerons à nous battre jusqu’à ce que la bataille [contre le Hamas, NDLR] soit gagnée, a-t-il déclaré mi-mars, interrogé par le podcast « Call Me Back with Dan Senor ».
Arié Dery
- Chef du parti ultra-orthodoxe Shass, ancien ministre et proche conseiller de Benjamin Netanyahu
- 65 ans
Arié Dery, démis de ses fonctions de ministre de l’Intérieur et de la Santé en janvier 2023, après l’invalidation de sa nomination par la Cour suprême israélienne – il avait été reconnu coupable de fraude fiscale –, reste un homme de confiance de Benjamin Netanyahu.
Le Premier ministre, qui doit lui-même répondre de corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires, a réservé un siège d’observateur au sein du cabinet de guerre au chef du parti ultraorthodoxe israélien Shass, qui reste la deuxième formation de sa coalition gouvernementale.
Arié Dery estime qu’Israël ne devrait pas riposter contre l’Iran, dont l’attaque a été repoussée grâce à des « miracles inégalés », a rapporté le 17 avril, le journal HaDerech, proche du parti Shass.
FRANCE 24.