Les analystes et économistes israéliens, obnubilés par la guerre face au Hamas ne savent pas vraiment se qui se passe en Allemagne. Lisez cet article publié par Xerfi…
UN ARTICLE EXCEPTIONNEL DE XERFI. « Côté pile, l’Allemagne a détrôné le Japon du 3ème rang économique mondial. Côté face, le pays est gagné par la peur du déclin conséquence d’un modèle économique incapable de s’adapter aux contraintes géopolitiques et environnementales. Trois marqueurs pour prendre l’ampleur du malaise : la première économie européenne se retrouve aujourd’hui avec un niveau de PIB à peine supérieure à celui de l’avant Covid ; le pouvoir d’achat a lâché ; l’industrie manufacturière a décroché. Réacteur de l’économie du pays elle ne tourne plus rond et plus qu’une panne c’est une « casse » moteur.
La suprématie industrielle allemande s’est bâtie sur 4 leviers principaux et tous se sont grippés. L’économie de bazar mise en place pour siphonner les bas coûts et la productivité des PECO a été torpillée par la hausse des salaires et le renchérissement du prix de l’énergie dans ces pays. La pression mise sur les coûts des services incorporés massivement dans la chaîne de valeur des produits finis s’est évaporée avec la mise en place et la généralisation d’un salaire minimum légal en 2015. La politique énergétique agressive avec l’abandon du nucléaire pour bénéficier des tarifs les plus bas possible via les importations massives de gaz en provenance de Russie pour faire tourner la base industrielle a été prise de revers par les conséquences de la guerre en Ukraine. Chercher les relais de croissance vers le grand large, principalement en Chine se heurte désormais aux difficultés des pays émergents à faire grandir et prospérer leur classe moyenne.
Fragilisée, l’industrie allemande subit en outre une double pression. D’abord celle venue des Etats-Unis. Favorisé par un prix de l’énergie ultra avantageux (le rapport reste de 1 à 3 avec l’Europe), l’Amérique a aussi dégainé l’Inflation Reduction Act. Ce dernier accorde aux entreprises, aux ménages subventions et avantages fiscaux sous conditions de production locale et/ou de contenu local des biens utilisés dans leur production. L’ensemble rend la concurrence difficilement soutenable pour les sites de production allemands les plus énergivores menacés de fermetures ou de délocalisations d’activités. La chimie, 3èm secteur industriel du pays, a dévissé de plus de 20% en deux ans avec comme conséquence des capacités de production trop faiblement utilisées pour être rentables si bien qu’un quart des chimistes allemands envisagent de délocaliser des productions. Métallurgie, industrie du papier sont également en souffrance et la liste n’est pas exhaustive. D’après une enquête réalisée en 2022 par la Fédération des industries allemandes près d’une entreprise sur quatre du Mittelstand envisagerait de transférer sa production à l’étranger. Or, le Mittelstand, qui réunit PME et ETI, est l’épine dorsale du système productif allemand. Un second front est ouvert, il vient principalement d’Asie et concerne l’automobile. L’an dernier, à peine plus de 4 millions de véhicules sont sortis des chaines allemandes, contre plus de 5,5 peu avant la Covid. Minés par de mauvais choix stratégiques, les espoirs d’un retour aux volumes de production passés sont minces. Les industriels allemands n’ont pas su développer d’avantage comparatifs dans la motorisation électrique.
La concurrence vient en partie d’Europe (France, Pologne, Hongrie bataillent pour attirer chez elles les usines de batteries et un écosystème de fournisseurs), des Etats-Unis mais plus encore de Chine où les modèles y sont jusqu’à 5 fois moins chers. Les constructeurs chinois installent des usines au Brésil, en Argentine, au Mexique, en Arabie Saoudite, en Afrique du Nord. D’ici peu, ils disposeront d’une offre locale sur ces marchés que les modèles allemands importés ne pourront jamais concurrencer. Le soubassement économique de l’Allemagne se lézarde son modèle social fait de culture de la cogestion et du compromis, de dialogue social exigeant mais apaisé s’abime lui aussi. Désindustrialisation, commerce extérieur dégradé, grogne sociale généralisée, colère agricole, impopularité de l’exécutif, fragmentation du paysage politique, montée des extrêmes, défiance vis-à-vis de l’Europe, l’Allemagne a une crise de retard par rapport à la France et si elle n’est pas redevenue l’homme malade de l’Europe elle en est à coup sûr l’homme éreinté et has been »
MIRLICOURTOIS ALEXANDRE.
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