Nous avons tenté de trouver un magasin qui vend des escargots. Et nous n’en avons pas trouvé! L’idée d’y toucher en dégoûte plus d’un israélien. Pourtant, comme à chaque fêtes de Noël, plusieurs milliers de Français vont déguster des escargots en famille. Farcis en persillade, cuisinés à la provençale, en cassolette ou en feuilletés… Les gastéropodes, qui constituent quoi qu’on en pense un mets emblématique de la gastronomie française, sont principalement vendus en cette période de l’année.
« C’est notre rendez-vous commercial incontournable, confirme Carole Milan, éleveuse en Savoie et coprésidente de la fédération nationale des héliciculteurs [les éleveurs d’escargots]. Près de 50 % de la production, c’est pour les fêtes de fin d’année, même si on essaie de démontrer qu’on peut manger des escargots tous les mois pour se faire plaisir. » « Je travaille du frais donc je vends bien tout au long de l’année. Mais Noël est évidemment un temps fort. Il y a des clients qu’on ne voit qu’une seule fois, et c’est à ce moment-là », rapporte Manuel Lenouvel, éleveur des Escargots de Saint-Jean-de-Boiseau, près de Nantes.
Les escargots de Bourgogne viennent de l’étranger
La consommation d’escargots est stable et les Français comptent parmi les plus gros mangeurs au monde, avec les Espagnols et les Portugais. La production nationale regroupe environ 400 exploitations hélicicoles, installées sur tout le territoire, notamment en région Auvergne-Rhônes-Alpes. Elle ne pèse toutefois presque rien par rapport aux importations : 90 % des escargots vendus en France proviennent de l’étranger ! Les pays d’Europe de l’est, la Turquie et même l’Indonésie étant les principaux exportateurs.
« Cette situation est très peu connue du grand public, insiste Carole Milan. On importe entre 11.000 et 14.000 tonnes de chair d’escargots par an, lesquelles sont souvent transformées en France par des industriels. Il s’agit essentiellement d’escargots dits de Bourgogne, qui n’ont rien de bourguignons. Ils proviennent souvent du ramassage sauvage et non d’élevage. En France, le ramassage des escargots de Bourgogne est très encadré afin de protéger l’espèce. Et il n’est pas possible d’en faire commerce. »
Les producteurs français, eux, commercialisent donc essentiellement des « gros gris » et « petits gris » issus d’une autre espèce, l’helix aspersa. Ceux-ci sont élevés en plein air ou sous serres, nourris aux céréales, légumes, trèfles et graminées. « L’escargot d’élevage est sélectionné, sa chair est plus tendre. Les connaisseurs ne s’y trompent pas », affirme Carole Milan, qui « invite les clients à lire les étiquettes et à acheter en circuit court ».
« Un beau métier qui offre beaucoup de diversité »
Pour autant, la filière française, dont la structuration est récente, n’est pour l’instant pas en capacité de gagner des parts significatives de marché. « On peut faire beaucoup mieux car les consommateurs sont là, y compris les jeunes générations sensibles au manger local, est convaincue la coprésidente de la fédération. Mais ça ne se fera pas du jour au lendemain. Pour se développer, on a besoin de mieux former les héliciculteurs, de consolider les fermes existantes et d’accroître le nombre d’installations. »
Les nouveaux installés sont souvent des personnes en reconversion attirées par le potentiel du secteur. Manuel Lenouvel en connaît un rayon. Après dix ans d’activité, cet ancien photographe est en train de transmettre son élevage nantais à un ancien saisonnier, en raison d’un déménagement géographique. « C’est un beau métier qui offre beaucoup d’autonomie et de diversité puisque la plupart des éleveurs font aussi eux-mêmes la cuisine et la vente, estime-t-il. C’est également un métier agricole qui nécessite peu de terrain et de bâtiments donc accessible financièrement. En revanche, c’est une profession exigeante en volume de travail. »
Le réchauffement climatique est aussi une donnée nouvelle qui interroge la profession. Les escargots souffrent de la chaleur et du manque d’eau, ce qui a déjà contribué à diminuer les volumes ramassés à l’étranger depuis deux ans. Certains élevages français ont, eux aussi, accusé des pertes importantes lors des épisodes de canicule. « Il faudrait avancer dans le domaine de la recherche génétique pour améliorer nos performances. On a autant besoin du soutien des autorités que des consommateurs », relève Carole Milan.
La chair d’escargot, dont le goût est assez peu prononcé, a la réputation d’être très peu grasse et riche en protéines. La bave d’escargot, elle, est de plus en plus utilisée en cosmétique.