JACQUES BENDELAC. La guerre déclenchée par le Hamas de Gaza ne va pas améliorer la situation de l’économie israélienne ; après un mois de septembre agité en Israël sur le plan politique et judiciaire, octobre sera un mois déterminant pour le devenir de l’économie du pays.

La guerre dans le sud d’Israël s’ajoute à une série d’évènements qui vont marquer le mois d’octobre : il s’agit d’évènements à la fois politiques (le début de la session d’hiver de la Knesset le 15 et les élections municipales le 31) et économiques (la décision de l’agence de notation Moody’s le 13 et le taux d’intérêt de la Banque d’Israël le 23).

Situation imprévisible

Les risques d’une guerre longue et coûteuse vont accroître l’imprévisibilité de l’économie israélienne ; ce qui va renforcer l’incertitude des investisseurs qui préfèreront remettre leurs décisions financières à plus tard.

L’attaque massive du Hamas sur Israël a donc lieu à un moment où le pays est soumis à de fortes tensions politiques et sociales ; une situation qui ne laisse rien présager de bon pour l’économie israélienne, et rien de bon non plus pour l’Israélien qui est déjà confronté à des prix chers et à un endettement croissant.

On a vu comment, au cours de l’été, l’incertitude produite par la réforme judiciaire a éteint, les uns après les autres, les moteurs de l’économie israélienne (investissement, consommation, exportations), enclenchant le début d’une récession.

Coût de la guerre

La guerre déclenchée ce samedi sera un facteur supplémentaire de ralentissement économique : le recrutement des réservistes, la fermeture des écoles et le blocage de certaines routes, vont se traduire par l’arrêt de nombreuses activités, faute de salariés et de moyens de production.

Les pertes humaines, élevées dès le premier jour de la guerre, s’ajoutent à de nombreux dégâts matériels provoqués dès le déclenchement de l’attaque du Hamas. Les coupures d’électricité sont fréquentes en raison des frappes de roquettes sur les centrales électriques au sud du pays ; de même, les dégâts aux bâtiments, habitations, commerce et industrie, seront longs et coûteux à réparer.

Le déclenchement d’une guerre va donc contraindre le gouvernement israélien à détourner des budgets civils vers des dépenses militaires ; ce qui aggravera les déficits publics, maintiendra les pressions inflationnistes et accentuera la faiblesse du shekel.

Protection civile

Depuis soixante-quinze ans, les Israéliens ont pris l’habitude de voir leur rythme de vie et de travail marqué par des opérations militaires ; la protection des civils est vite devenue une composante essentielle de l’économie de guerre à l’israélienne.

Dès le début des années 1960, les autorités israéliennes ont mis en place un fonds d’indemnisation des citoyens qui ont subi des dégâts directs et indirects causés par les opérations militaires et les actes de terrorisme. Ce fonds est alimenté par les taxes immobilières et géré par le Trésor public ; il prend totalement à sa charge le financement du coût civil des guerres, comme les dégâts matériels, les pertes économiques, les journées de travail perdues, etc.

Par ailleurs, Tsahal a créé en 1992 (après la guerre du Golfe) un « commandement de la protection civile » ; il est chargé de coordonner les réparations rapides des dégâts matériels, de gérer et répartir les réserves alimentaires et autres fournitures d’urgence (médicaments, carburant).

Certes, l’économie israélienne s’est adaptée à une situation de guerre permanente ; il n’empêche qu’octobre sera un mois noir pour les Israéliens, pour leur économie et leur société.

TIMES OF ISRAEL.

à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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