Un article de Jacques Bendelac.
Depuis deux décennies, l’Etat investit de moins en moins d’argent pour construire des routes, des métros, des centrales électriques, des logements, des crèches, des hôpitaux, etc. Résultat : les Israéliens souffrent régulièrement des pannes d’électricité, des routes encombrées, des classes surchargées et des lits d’hôpitaux dans les couloirs.
Selon l’édition 2023 du Panorama des administrations publiques que l’OCDE vient de publier, Israël reste à la traîne des pays occidentaux pour ses dépenses publiques d’investissement ; l’Etat juif y consacre 2,9 % de son PIB contre 3,3 % pour la moyenne de l’OCDE. Le rapport remarque surtout qu’Israël est un des pays qui « a connu les plus fortes baisses d’investissement en pourcentage des dépenses totales au cours des dernières années ».
Comment Israël en est arrivé là ? Il faut retourner une vingtaine d’années en arrière pour trouver l’explication de cet incroyable retard.
Vingt ans de libéralisme
C’est en 2003, il y a juste vingt ans, qu’Israël a pris le virage du libéralisme économique ; en devenant le grand argentier du gouvernement d’Ariel Sharon, Netanyahou a appliqué l’idéologie ultra-libérale à laquelle il a adhéré durant ses années passées aux Etats-Unis et qui se caractérise par la non-intervention de l’Etat dans l’économie, la privatisation généralisée et l’absence de toute régulation étatique.
Concrètement, le processus de libéralisation lancé par le ministre des Finances Netanyahou comprenait une baisse des dépenses publiques, la réduction de la pression fiscale, des coupes dans les allocations sociales et la privatisation des entreprises publiques.
En abaissant l’investissement public à son minimum, les dirigeants israéliens ont cru que l’investissement privé prendrait le relais ; ce fut loin d’être le cas.
Résultat du libéralisme à l’israélienne : les services publics en Israël sont de moins en moins « publics » et de plus en plus chers. Il ne faut donc pas s’étonner si le pays a pris du retard dans des activités déterminantes pour l’avenir du pays comme la recherche et développement (R&D), le recyclage des déchets, le développement digital ou la lutte contre le réchauffement climatique.
La fin de l’Etat
Les rapports internationaux de ces dernières années pointent du doigt les conséquences néfastes du désinvestissement public sur la vie quotidienne des Israéliens ; quelques exemples suffiront à illustrer le retard pris par Israël dans le développement de ses infrastructures, même les plus élémentaires comme routes, éducation et santé.
Dans le domaine routier par exemple, le rapport Going for Growth 2021 de l’OCDE sur l’économie israélienne est sans équivoque : « L’infrastructure de transport d’Israël est nettement en retard par rapport à la plupart des autres pays de l’OCDE et, par conséquent, la congestion routière est l’une des pires de l’OCDE ».
Dans l’éducation, la taille moyenne des classes est un autre indicateur de l’insuffisance de l’investissement public. Selon Regards sur l’éducation 2021 de l’OCDE, dans l’enseignement primaire, les élèves sont en moyenne 21 par classe dans les pays de l’OCDE mais 27 élèves par classe en Israël ; dans l’enseignement secondaire, les élèves sont en moyenne 23 par classe dans les pays de l’OCDE mais 29 élèves en Israël.
Même retard dans la santé : l’insuffisance du nombre de lits d’hôpitaux s’explique par le refus de l’Etat de financer de nouvelles infrastructures médicales alors que la population du pays s’accroît et vieillit. Selon le Panorama de la santé 2021, le nombre de lits d’hôpitaux en Israël est particulièrement bas : seulement 3 lits pour mille habitants contre 4,4 lits en moyenne dans les pays de l’OCDE (et 5,8 lits en France).
Inutile d’allonger la liste : le retard dans les infrastructures n’a fait que s’accroître au fil des ans.
Le dernier exemple en date est bien la ligne de tramway reliant Bat-Yam à Petah-Tikva en passant par Tel-Aviv : lancée par le gouvernement israélien en 2000, elle a été inaugurée le 18 août dernier, 23 ans plus tard…