La Commission européenne, compétente en matière de commerce international, s’est décidée à mieux tracer l’importation en Europe des biens produits dans les colonies israéliennes situées dans les territoires palestiniens occupés et sur le plateau du Golan, territoire syrien.
Dans une annonce publiée le 16 mai, la Commission demande à l’ensemble des importateurs de marchandises issues de l’Etat hébreu d’apposer un nouveau code, « Y864 », sur leurs déclarations en douane pour les biens produits en Israël. Pour Bruxelles, ce territoire s’entend dans la limite des frontières d’avant 1967, soit avant l’occupation de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et du plateau du Golan. Les produits fabriqués dans les colonies israéliennes installées dans ces zones ne peuvent donc bénéficier de ce code, et du droit de douane préférentiel qui va avec.
L’Union européenne (UE) n’a jamais reconnu la souveraineté d’Israël sur les territoires occupés. Lors de la négociation de l’accord d’association dans les années 1990, Bruxelles avait spécifié cette règle, contestée par Israël. Néanmoins, en 2004, Européens et Israéliens avaient trouvé un arrangement technique pour que les exportateurs israéliens se contentent de préciser le code postal et le lieu de fabrication des produits envoyés en Europe.
Peu pratique, cette déclaration papier ne permettait pas de produire des statistiques. A telle enseigne que l’UE ne dispose pas de données sur les produits importés des colonies, comme le reconnaît l’exécutif. Selon plusieurs estimations vieilles de dix ans et réalisées par la Banque mondiale et la Commission, entre 1 % et 2 % des importations israéliennes proviennent des colonies. En 2022, l’Europe a importé pour 17,5 milliards d’euros de produits israéliens, soit potentiellement 175 millions à 350 millions d’euros provenant des colonies.
« Ces sommes peuvent paraître modestes, juge Martin Konecny, responsable de l’ONG European Union Middle East Project. Mais, quand on les compare à celles des importations de produits palestiniens, c’est bien plus. Ces cinq dernières années, elles représentaient chaque année environ 23 millions d’euros. »
Pour la Commission, « cette mesure ne reflète aucun changement de politique, mais [elle] a été prise pour contribuer à faciliter les tâches des déclarants dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord d’association UE-Israël et de l’arrangement technique de 2004 sur les règles d’origine ».
Une décision qui arrive cependant après une campagne menée par des ONG dans le cadre d’une initiative citoyenne européenne lancée depuis 2019, accompagnée d’une pétition signée en février par quelque 277 000 personnes, demandant l’arrêt des importations des colonies. Se sont ajoutées les interpellations récentes de nombreux députés européens alors qu’en Israël le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, installait un gouvernement d’extrême droite procolonies. « Il y a eu récemment une prise de conscience accrue et un examen minutieux de la mise en œuvre effective de la politique commerciale existante en ce qui concerne les colonies », reconnaît-on à la Commission.
« Cette décision répond en partie à nos demandes, salue Saskia Bricmont, eurodéputée écologiste belge, qui a interpellé à de nombreuses reprises la Commission sur ce point. Cela va remettre à la fois de la transparence et la possibilité d’obtenir enfin des statistiques fiables. Reste une question cruciale : le contrôle. »
Le code étant déclaratif, les douanes devront vérifier s’il correspond bien à la réalité. « Or, les services de douanes partout en Europe manquent de ressources, donc le contrôle sera difficile, juge Mme Bricmont. On va demander à la Commission des éclaircissements. »
Source : Le Monde